Toi et moi on se ressemble - ft. Nuage d’Écureuil

   

Toi et moi on se ressemble

   

Nuage d'Écureuil et Nuage d’Érable

 Le soleil était à son zénith. L'astre pointant son plus haut point faisait un bien fou à la fourrure emmêlée de Nuage d'Érable. Le Mal Rouge frappait de plus en plus de têtes chez les Venteux et Feuille de Trèfle et lui-même étaient constamment demandés. Les réserves de plantes descendaient bien plus rapidement qu'habituellement et le petit mâle bicolore se sentait vite tomber, en fin de journée. C'était réellement épuisant et il se demandait comment le guérisseur avait pu assumer son rang avec si peu d'aide avant que Nuage d'Érable ne rejoigne son poste d'apprenti-guérisseur.
Enfin... au moins maintenant, il ne pouvait plus se plaindre de s'ennuyer de sa vie de chaton. Tout ça était dans un sens, assez excitant.

Le novice au poil roux et blanc soupira longuement. Il se redressa, s'étira et passa quelques coups de langue dans sa fourrure négligée pour la rendre un peu plus soyeuse. Avec tous ces malades et problèmes, le pauvre petit n'avait plus de temps pour lui et son apparence était vite venue à laisser désirer. Feuille de Trèfle avait sûrement du le remarquer alors il l'avait congédié quelques instants et lui avait demandé d'aller prendre un peu l'air pour ne pas qu'il craque.

C'était vrai qu'il fallait avoir un mental d'acier pour commencer son apprentissage en pleine épidémie mortelle. Nuage d'Érable ferma les paupières un instant. La chaleur du soleil faisait beaucoup de bien sur son corps fatigué et si le Mal Rouge persistait, la Saison des Feuilles Nouvelles elle, s'imposait de plus en plus, et ça, c'était vraiment agréable.

L'apprenti-guérisseur rouvrit les yeux quelques minutes après avoir pris quelques goulées d'air, apaisé. Il se releva et prévint son mentor qu'il sortait pour aller s'hydrater un peu et ramener quelques morceaux de mousse bien humide pour lui et les malades. Trop occupé, Feuille de Trèfle n'avait rien répondu mais il savait qu'il n'était pas contre. Alors, il avait trottiné vers la sortie du camp et s'était mis à accélérer une fois en dehors, sur les plateaux de son territoire.

Sentir le vent courir sur sa fourrure, ses moustaches s'agiter au rythme de ses foulées, cette bonne odeur de végétation et de lapin... Toutes ces petites choses lui faisaient un bien fou. Nuage d'Érable se sentait libre et il devait bien avouer que se retrouver seul, loin de la maladie, lui faisait l'effet d'une nouvelle bouffée d'air. Il avait l'impression de pouvoir avancer sans limite. Cependant, il n'oublia pas son objectif principal et ses pattes  encore légèrement duveteuses le guidèrent jusqu'à la frontière avec le Clan de la Rivière : les gorges.  

Le petit mâle roux et blanc n'avait pas forcément l'habitude de se rendre ici mais il était vrai que l'eau était abondante et ses alentours humides, rendant la mousse idéale en ressource. Le museau en l'air,  il huma les odeurs qui l'entouraient, repérant celle de la mousse mais aussi du poisson. L'apprenti-guérisseur fronça le museau et il secoua la tête de dégoût. Il avait du mal à comprendre comment les guerriers du Clan de la Rivière pouvaient avaler ce genre de choses. Nuage d'Érable dut bien se retenir de vomir son lapin de la veille en allant se désaltérer près du cours d'eau et quand il eut finalement étanché sa soif, il put se diriger vers l'objet de sa convoitise : la mousse.

Non loin de là, le petit félin avait trouvé plusieurs troncs près de la source d'eau, habillés d'étendues de mousses bien hydratées. Nuage d'Érable s'approcha, renifla la végétation et un soupir de soulagement traversa la barrière de ses babines quand il constata que ce qu'il cherchait était abondant et désaltérait tout le monde. D'une patte agile, il laissa ses griffes détacher la mousse avec lenteur et douceur. Très concentré, il ne remarqua pas tout de suite la présence d'un autre chat dans les parages. Ce fut seulement après quelques morceaux détachés qu'il remarqua une odeur inhabituelle flotter dans l'air.

Le Clan de la Rivière.

L'apprenti-guérisseur n'avait encore jamais rencontré d'individu de ce Clan et il sentit ses oreilles remuer. C'était l'une des premières fois où il allait se retrouver face à un adversaire, sans Feuille de Trèfle ou de guerrier pour l'accompagner.

- Tu ne risques rien, Nuage d'Érable.

Avait murmuré le chaton au poil bicolore pour se rassurer. Le bout de sa queue tressaillait, il se sentait nerveux. Son cœur tambourinait dans sa poitrine et pourtant, il s'efforçait de rester calme lorsque l'ombre de l'individu se dessina plus nettement devant lui.

C'était une jolie femelle rousse et blanche, du même âge qu'elle. Ses yeux d'une belle couleur ocre le toisaient et il eut du mal à déglutir.
Le mâle se dandinait un peu sur place et il se bénit d'un coup de ne pas avoir traversé la frontière, même en tant qu'apprenti-guérisseur puisqu'au premier abord, l'apprentie en face de lui ne semblait pas aimable. Enfin, il verrait au fil de la conversation.

- Salutations. Je suis Nuage d'Érable, apprenti-guérisseur du Clan du Vent. Je ne suis là que pour récolter un peu de mousse et je n'ai pas franchi la frontière, ne t'en fais pas.

Il abaissa légèrement sa tête et le venteux s'assit bien droitement en face d'elle, très calmement.

- Et toi ? Qui es-tu ? Je ne t'ai jamais vue auparavant.

Quel idiot il faisait, évidemment qu'il ne l'avait jamais rencontrée avant puisqu'il ne s'était encore rendu à aucune assemblée et le petit mâle n'était que depuis trop peu apprenti-guérisseur pour connaître tous les chats de la forêt.

Pourtant, cette femelle lui rappelait quelque chose. Quelqu'un. Il avait du mal à savoir encore qui mais malgré cet air sérieux sur ses traits, elle dégageait une aura chaleureuse qui lui rappelait sa mère.

   

La température et la météo clémentes donnèrent rapidement à Nuage d'Ecureuil l'envie d'aller se balader un peu seule. Alors que le clan mangeait et qu'il effectuerait bientôt la cérémonie du partage, la petite novice se faufila hors du camps. Elle allait aller chasser un peu : la moindre proie était utile au clan qui souffrait encore et toujours du Mal Rouge. Cette fichue épidémie était une véritable plaie pour les chats et la moindre chose qui pouvait aider était d'autant plus le bienvenue qu'à l'accoutumé.
Nuage d'Ecureuil prit donc le chemin en direction des gorges profondes. L'endroit était assez dangereux mais elle était sûre que personne ne la dérangerait. De plus il y avait une zone assez propice à la pêche où les poissons pullulaient : c'était l'endroit parfait.
Lorsqu'elle arriva sur place une odeur fort désagréable lui prit au museau : il y avait un chat du Clan du Vent dans les parages... Elle reconnaissait cette distinctive odeur d'herbe des plaines et des lapins. Que faisait ce félin ici? Avait-il dépassé leurs frontières? Si c'était le cas elle se ferait un plaisir de le rabrouer comme il fallait. Bien qu'elle était toute jeune Nuage d'Ecureuil était têtue et n'avait pas peur de se battre pour son clan, même au péril de sa vie.
Elle s'approcha avec prudence pour ne pas se faire piéger mais non sans une certaine prestance. Son pelage se gonflait légèrement pour menacer quiconque qui tenterait de l'agresser. Elle tomba finalement rapidement sur un petit mâle roux-brun tigré avec quelques taches de part et d'autre. Il se trouvait de son côté de la frontière et ne semblait pas l'avoir dépassé. Entre ses pattes se trouvait un peu de mousse imbibée d'eau.

"Salutations. Je suis Nuage d'Érable, apprenti-guérisseur du Clan du Vent. Je ne suis là que pour récolter un peu de mousse et je n'ai pas franchi la frontière, ne t'en fais pas."

Nuage d'Ecureuil le toisait du regard. Que lui prenait-il? Ils n'étaient pas copains hein, ils ne venaient pas du même clan. Cependant à l'annonce de son rang la rouquine se détendit un peu. Malgré tout elle avait eu un peu peur de tomber sur de coriaces guerriers, et bien qu'elle n'aurait pas hésité à se lancer corps et âme dans une confrontation elle avait le cœur qui battait la chamade. Le chat en face d'elle abaissa la tête et la chatte bicolore se sentit reprendre contenance.

"Et toi ? Qui es-tu ? Je ne t'ai jamais vue auparavant."

Alors il essayait vraiment de communiquer avec elle? Quelle cervelle de poisson il faisait. La réponse cinglante de Nuage d'Ecureuil ne manqua pas justement de lui faire comprendre le dédain qu'elle éprouvait pour lui.

"Premièrement j'espère bien que tu ne l'as pas franchi cette frontière, deuxièmement qu'est ce que tu fiches ici, tu es bien loin de chez toi il me semble, bien que je ne connaisse pas ton territoire par cœur il ne me semble pas que ton camp soit vraiment par là. Et troisièmement mon prénom ne te regarde pas vraiment... Mais si tu y tiens sache que je m'appelle Nuage d'Ecureuil."

Elle ne savait pas pourquoi elle lui avait dit quand même comment elle s'appelait. Peut-être à cause d'un léger air de... De déjà vu?

   

Toi et moi on se ressemble

   

Nuage d'Écureuil et Nuage d’Érable

Quelque chose sembla perturber la jeune chatte qui faisait face à l'apprenti-guérisseur. Il était vrai qu'elle semblait tout aussi jeune que lui et peut-être même avaient-il le même âge, qui sait ?
Pour autant, la demoiselle ne se laissa pas intimider trop longtemps puisqu'elle sembla se braquer contre le jeune mâle, et ce, malgré le ton conciliant de ce dernier.

- Premièrement j'espère bien que tu ne l'as pas franchi cette frontière, deuxièmement qu'est ce que tu fiches ici, tu es bien loin de chez toi il me semble, bien que je ne connaisse pas ton territoire par cœur il ne me semble pas que ton camp soit vraiment par là. Et troisièmement mon prénom ne te regarde pas vraiment... Mais si tu y tiens sache que je m'appelle Nuage d'Ecureuil.

Un peu surpris de ce ton assez provocateur, le venteux écarquilla très légèrement les yeux, ses oreilles remuant nerveusement tandis qu'il commençait à se dandiner sur place. Non pas que cette femelle l'intimidait mais il avait horreur des tensions, des disputes ou de la bagarre, et ce depuis chaton. Il ne voulait ni offenser, ni même se battre avec cette apprentie de la Rivière qui elle, semblait vouloir en découdre si par malheur ce dernier avait osé foulé ses terres. Quelle teigne. Nuage d'Érable ne put s'empêcher d'éprouver de la compassion pour les camarades de cette petite qui au quotidien, devait être difficile à vivre.

- Et bien Nuage d'Écureuil... En voilà des manières de saluer un apprenti-guérisseur.

Souffla le mâle tricolore en faisant mine de rassembler ses morceaux de mousse près de lui. Cette apprentie ne semblait pas agressive malgré son ton désagréable. Sans doute n'était-elle pas assez stupide pour s'en prendre au futur guérisseur du Clan du Vent. Rien que d'y penser, un frisson parcourut l'échine du jeune chat. Il trépignait déjà d'impatience à l'idée d'avoir sa place dans la tanière de Feuille de Trèfle, au même titre que lui.

- Comme tu peux le voir, avant que tu n'arrives, je cueillais simplement quelques morceaux de mousse pour nos malades et nos anciens. J'imagine que chez toi aussi, vos guerriers souffrent de la maladie alors... j'ignore ce que tu fais ici mais tu ferais mieux d'en faire autant, chaque vie est précieuse.

D'un point de vue objectif, Nuage d'Érable aurait pu être considéré comme arrogant et prétentieux mais son miaulement avait été neutre et simplement de bon conseil car même si cette chatte faisait parti d'un clan ennemi, l'apprenti-guérisseur n'aimait pas l'idée que d'autres chats souffrent et pire encore, meurent en ce moment même, dans les quatre clans. Pour lui, il fallait que tout le monde ne se serre les pattes, tout clan, rang ou âge confondu. Il fallait que la forêt batte cette maladie, ensemble.

- Si tu veux bien, j'aimerais terminer ma tâche et après je m'en irai, si cela peut te rassurer.

Termina enfin le jeune mâle en se dirigeant de nouveau vers la berge à la conquête de rochers humides où s'étaient logés quelques morceaux de mousse. Et avec le plus grand des soins, il commença à les déloger sans perdre de temps. Plus vite il aurait fini, plus vite il n'aurait à supporter l'apprentie désagréable, mais surtout, plus vite il retrouverait son mentor et les malades et ça, c'était le plus important. Le temps était terriblement compté en cette période de pandémie.