Le vent nous portera | Nuage d'Écureuil

Le souffle du vent dans la tanière des guerriers réveilla le mâle aux couleurs sombres dans un frisson glacé. Ouvrant difficilement un œil, il jeta un regard assassin à la minuscule brèche dans la parois de la tanière qui soufflait pile sur son museau. Il commença d'abord par rabattre ses pattes sur sa tête, les portant comme une protection contre le froid, mais maintenant, il avait froid aux pattes. Dans un geste désespéré, il tendit la patte pour boucher le trou avec ses coussinets mais elle n'était passez longue pour atteindre la fente. Poussant un soupir désespéré, il se décida finalement à se lever maintenant qu'il était réveillé. Voilà quel allait être sa première activité de la journée : reboucher ce trou. Il allait bien trouver quelque chose, une feuille, un branchage, même un galet ou un coquillage ferait l'affaire !

S'extirpant de la tanière des guerriers avec douceur pour ne pas réveiller les plus flemmards qui dormaient toujours, il s'étira de tout son long en poussant un bâillement. Silence des Corbeaux cligna plusieurs fois des paupières pour habituer ses yeux à la lumière du jour, puis observa le campement qui était déjà plein de vie. Visiblement, une patrouille était déjà partie, que ce soit une de chasse ou de frontière, car il manquait du monde ici. Ceux qui n'avaient pas reçu de tâches précises vaguaient ça et là à leur occupation. Peut-être allaient-ils chasser seul dans leur coin, peut-être allaient-ils entrainer leurs apprentis ou juste flemmarder près de la rivière.

En parlant d'apprenti, son regard jaune pâle se posa sur l'un d'eux. Il n'était pas sûr de lui avoir déjà parlé, ou tout du moins, d'avoir entretenu une véritable conversation avec elle. Ses yeux encore fatigués observaient avec attention Nuage d'Ecureuil qui visiblement n'avait pas entrainement aujourd'hui avec Poudre de Mite, à moins qu'elle n'en revienne d'un très matinal ? Peut-être pourrait-elle l'aider à fortifier la tanière des guerriers, après tout, un simple galet ne suffirait peut-être pas et s'il existait une brèche, il en existait peut-être d'autres. Le Clan était suffisamment mal en point pour rajouter toutes les maladies susceptibles d'être attrapé par un coup de froid. D'un pas déterminé, il s'approcha de l'apprenti à poil roux et l'interpella avec un petit sourire sur les babines, histoire de lui montrer qu'il n'était pas là pour lui donner un ordre mais pour simplement lui demander un service.

- Nuage d'Ecureuil, tu es occupée ou tu aurais une minute à m'accorder ?

La jeune apprentie à qui il venait de demander son aide était couchée sur le dos, visiblement peu occupé à faire une activité dont il la dérangerait. Elle était donc la candidate parfaite pour venir l'aider à fortifier la tanière des guerriers. Même s'il pouvait s'acquitter de cette tâche seul, cela lui prendrait plus de temps et honnêtement, il avait envie de travailler avec quelqu'un et de ne pas rester dans le silence durant toute la matinée. Il était du genre à beaucoup aimer parler, tenir sa langue dans sa bouche plus d'une heure était un exploit. Lorsque la femelle capta sa présence, elle resta un moment silencieuse comme s'il l'avait surprise et elle le détailla un moment, la tête de travers.

Le matou se contenta d'attendre alors que ses babines s'étiraient dans un mince sourire suite à la position et l'analyse de la jeune apprentie. La voir ainsi couchée par terre la tête à l'envers la rendait soudainement inoffensive. Il avait pourtant entendu dire qu'elle était du genre dur à cuir, la petite apprentie qui aime chercher les problèmes et qui recale un peu tout le monde. Après, ce n'était peut-être que des on-dit, il ne voulait pas la juger sans en avoir fait l'expérience de lui-même. Après un instant, Nuage d'Ecureuil sembla retrouver l'usage de la parole et lui lança une simple question.

"Pourquoi ?"

Le mâle laissa échapper un rire, secouant la tête de droite à gauche d'un air désespéré.

- Ton mentor ne t'as jamais apprit qu'il était impoli de répondre à une question par une autre ?

Il reprit finalement son sérieux et haussa les épaules, comme s'il n'allait lui proposer qu'une banalité de la vie. C'était d'ailleurs le cas, réparer les tanières était une tâche quotidienne dont tout le monde devait s'acquitter, et mieux valait s'en occuper maintenant avant les grands froids pour éviter que tout le monde tombe malade. Surtout lui ! Hors de question qu'il soit obligé de squatter la tanière du guérisseur, avec ces microbes et ses malades. Un frisson de dégout le parcourus mais il reprit rapidement contenance, laissant de côté cette immonde pensée.

- J'ai été réveillé par un courant d'air dans la tanière des guerriers, visiblement le vent a creusé des brèches dans les murs, j'aurai besoin de quelqu'un pour m'accompagner chercher de quoi la renforcer à l'extérieur. Ca te tente ?

Devant sa tentative d'haussement d'épaules, le guerrier au pelage noir roula brièvement des yeux, prenant un air faussement indigné. Il ne savait pas trop ce que devait apprendre un mentor à son apprenti vu qu'il n'en avait encore jamais eus, mais si un jour il avait la chance de l'être, il lui apprendrait pour commencer les bonnes manières et surtout le respect d'autrui. Cela semblait un peu idiot dit comme ça, mais la politesse et le respect était capitale au sein d'un clan. Pour le coup, ce n'était qu'une règle de bonne conduite, mais ça comptait quand même ! Néanmoins, il laissa tomber sa remarque et ne tenta pas de chercher plus loin, après tout il venait lui demander de l'aide et elle était en droit de refuser, mieux valait donc ne pas la froisser s'il voulait qu'elle accepte.

Lorsqu'il lui expliqua plus clairement le pourquoi du comment, la féline tira un sourire que le matou noir lui rendit aussitôt, comme un effet de miroir. Il avait cette facilité à sourire aux autres et à rire de tout, le simple fait de voir quelqu'un sourire lui donnait le sourire, et en voir un rire pouvait le pousser à rire à son tour. On dit que la bonne humeur est contagieuse, pour lui, c'était clairement le cas. Il la laissa se redresser et sur un air qui se voulait détaché, elle lui reposa une nouvelle question.

"Ah et tu ne peux le faire seul?"

Silence des Corbeaux souffla par les narines, la fixant en silence avec un regard qui en disait long sur ce qui lui passait par la tête. Il comprenait très bien le petit jeu dans lequel elle le lançait. Elle voulait lui faire dire ce qu'il tentait de cacher : qu'il ne voulait pas passer la journée tout seul. Après, il avait devant lui deux options. Soit il persistait volontairement dans son déni et inventait une excuse ou une diversion pour ne pas avoir à avouer et lui donner la victoire, soit capituler et dire ce qu'elle voulait entendre. Le choix était si difficile, les deux options tellement tentantes et amusantes. Finalement, étant donné que c'était une femelle et qu'il faut savoir plaire à la gente féminine et respecter les femmes, il se dit qu'il allait céder à sa requête… pour cette fois du moins.

- En fait, si, je pourrais très bien le faire seul, mais pour être honnête c'est plus sympa quand on est à deux. Après, je peux toujours aller demander à quelqu'un d'autre si tu n'es pas intéressée. Oh regarde là-bas, je crois voir une autre apprentie tout autant intéressante qui n'a plus rien à faire. Je devrais peut-être allait lui demander à elle ! Dit-il sur un ton faussement enjoué alors qu'il adressait un geste de la queue à un félin qui n'existait pas derrière l'apprentie.

Oui bon, il n'y avait peut-être personne d'autre de disponible, mais pourquoi ne pas la taquiner en lui faisant croire qu'elle était facilement remplaçable si elle n'acceptait pas sa proposition.