Petite Noisette était très excitée et avait du mal à se retenir du courir partout. Mais elle refusait de se montrer aussi immature que son frère qui sautait de joie et qui dérangeait sûrement les reines qui essayaient de se reposer. Toute la matinée, elle avait fièrement raconté aux autres chatons qu'elle ne dormirait plus dans la pouponnière la nuit prochaine, qu'elle allait enfin pouvoir montrer son vrai potentiel en tant qu'apprentie et future chef. Étoile de Poussière allait lui donner le meilleur mentor possible, Petite Noisette avait agi de façon très exemplaire les quelques fois où elle avait croisé le Chef du Clan du Tonnerre, elle n'en avait aucun doute.
Après avoir un peu discuté avec les chatons, elle leur annonça qu'il fallait qu'elle se prépare. Effectivement, elle se devait d'avoir sa fourrure parfaitement propre en ce jour si spécial où elle serait enfin le centre de l'attention. Elle ne fut pas surprise de voir sa mère complètement ailleurs, se rappelant sans doute la mort d'une de ses filles, la pauvre petite aurait du elle aussi passer apprentie en ce jour. Mais le destin en avait décidé autrement, Petite Noisette n'allait pas laisser ce souvenir triste lui pourrir cette journée si prometteuse. Elle s'attaqua donc à sa toilette sans plus attendre, sa mère n'allait clairement pas la faire pour elle. Sa petite sœur fit de même ce qui fit rire la femelle tricolore, elle avait pris l'habitude de la voir l'imiter, Petite Noisette était fière d'être un modèle pour elle.
Elle s'arrêta subitement en entendant l'appel à se rassembler d’Étoile de Poussière. Elle sentit les battements de son cœur s’accélérer, elle allait enfin passer apprentie, elle n'en pouvait plus d'attendre. En sortant de la pouponnière, elle chercha du regard son père, elle trouva à la place son frère dont le pelage était tout emmêlé. Elle rigola et ne prit clairement pas le temps de le prévenir, il ne méritait pas sa gentillesse et ce serait son problème s'il se ridiculisait, il aurait du faire un peu plus attention.
Étoile de Poussière se tenait plein de confiance sur le promontoire. Petite Noisette avait beaucoup observé le matou, il fallait qu'elle soit au courant de tout si elle voulait un jour, elle aussi, être chef. Il faisait partie des guerriers qu'elle admirait beaucoup, même si elle trouvait son père encore meilleur. Elle ne comprenait d'ailleurs pas pourquoi son père n'était pas à la place d’Étoile de Poussière. Même si elle n'avait rien contre son chef, elle savait que son père aurait parfaitement su diriger le Clan du Tonnerre et aurait déjà su reprendre les rochers du Soleil.
« Moi Étoile de Poussière, chef du Clan du Tonnerre, j’en appelle à nos ancêtres pour qu’ils se penchent sur ces chatons. Ils ont maintenant six lunes et sont dignes de devenir apprentis à leur tour. »
Son frère fut le premier appelé, puis sa sœur. Les deux saluèrent respectueusement leur mentor sous les acclamations du Clan. Petite Noisette attendait avec impatience son tour, elle mourrait d'envie de savoir qui serait son mentor, sans doute l'un des meilleurs guerriers du Clan.
« Petite Noisette, tu t’appelleras Nuage de Noisette et ton mentor sera... »
La pause que fit son chef fut interminable, Nuage de Noisette le dévisagea avec des grands yeux, qu'est-ce qu'il attendait ? Enfin, il révéla l'identité de son mentor.
« Chagrin Lunaire. »
Nuage de Noisette resta bouche bée, incapable de faire le moindre mouvement, se répétant dans sa tête le nom qui venait de sortir de la bouche du matou, se demandant si elle avait juste mal entendu. Elle tourna finalement la tête vers le guerrier qui lui servirait de mentor et le regarda d'un air plein de dédain. Elle aperçut enfin son père non loin qui lançait un air sévère et désapprobateur vers le matou gris. La toute nouvelle apprentie refusait d'y croire. Chagrin Lunaire était loin d'être le mentor qu'elle espérait. Il fallait être aveugle pour ne pas se rendre compte que le guerrier ne lui convenait pas, elle méritait bien mieux que ce chat paresseux. Elle espérait que son père allait faire quelque chose contre ce choix injuste mais il se tut et se contenta d’observer sans aucune expression sa fille. Lorsque la chatte tricolore comprit qu'elle serait obligé d'avoir le grand matou comme mentor, elle tenta de faire bonne impression et le salua d'un rapide coup de tête. Elle essaya tant bien que mal de cacher le choc de la nouvelle mais elle avait du mal à accepter une telle injustice.