Il ne faut pas forcer la confidence; elle vient quand elle peut. Jamais trop tôt, jamais trop tard. - Ft. Perce-Neige

Feu Follet était sorti. Il ne l’avait dit à aucun chat, mais il était parti chasser seul. En chemin vers les souterrains, Feu Follet s’arrêta net au abord des hautes herbes. Une odeur de volatile lui chatouillait les narines. Il repérait rapidement le plumage fauve d’une perdrix entre les tiges couvertes de givre. Feu Follet s’accroupissait maladroitement. Il n’avait pas l’habitude de chasser dans la lande et un seul faux mouvement chassait l’oiseau au loin. Feu Follet se redressait en maugréant. Il poursuivait tout de même sa route vers les souterrains.

Feu Follet passait presque la majorité de la matinée à chasser dans les tunnels. Il attrapait une souris maigrichonne, perdait de vue un lapin bien dodus dans l’obscurité et trouvait miraculeusement une deuxième souris prise au piège dans une petite crevasse. Feu Follet rentrait ensuite au campement, son maigre butin composé de deux souris entre les mâchoires. Il déposait le tout sur le tas de gibiers et relevait la tête. Feu Follet croisait le regard vert suppliant de Feuille de Trèfle assis non loin, mais n’étant pas prêt de lui pardonner aussi facilement, Feu Follet lui montrait les dents, feulait et rebroussait chemin en direction d’un carré d’herbes ensoleillé où se trouvait déjà quelques coureurs et creuseurs.

Perce-Neige avait passé une agréable journée, la chasse avait été bonne, le retour de la Saison des Feuilles Nouvelles commençait enfin à se faire sentir et la guerrière en était heureuse. Après une longue période de froid et de manque de nourriture, le Clan du Vent allait enfin reprendre du poil de la bête et allait peut-être enfin réussir à se débarrasser du Mal Rouge. Après avoir partagé un lapin avec Griffe Rousse, elle était allée s’allonger plus loin pour prendre un bain de soleil bien mérité. Quel plaisir de pouvoir profiter à nouveau de la sensation de chaleur contre sa fourrure. Croc de Terre vint bientôt la rejoindre et commença à faire la toilette de Perce-Neige. La guerrière au pelage blanc fit de même pour son amie.

Alors qu’elle s’appliquait à sa tache, un événement n’échappa pas à son attention. Feu Follet, un jeune guerrier avec qui elle appréciait discuter et dont elle prenait soin depuis déjà de nombreuses lunes, venait de feuler plein de haine sur son frère Feuille de Trèfle. La guerrière ne put cacher sa surprise, les deux frères s’entendaient habituellement plutôt bien, que s’était-il passé pour que le creuseur soit contrarié ainsi ? Perce-Neige arrêta la toilette de sa camarade et la salua rapidement avant de se redresser. Le jeune guerrier s’était assis non loin d’elle et suivant ses instincts maternels, elle le rejoignit, ne pouvant s’empêcher de s’inquiéter pour lui.

Elle le salua d’un coup de langue entre les oreilles. Le creuseur revenait sans doute de la chasse, il avait encore un peu de terre sur son pelage. La chatte blanche admirait les creuseurs, elle n’aurait jamais pu avoir le courage de se glisser dans les tunnels tel qu’ils en étaient capables. Elle prit un ton qui se voulait rassurant, essayant tant bien que mal de cacher son inquiétude :

« Bonjour Feu Follet. Tout va bien ? Il est rare de te voir ainsi avec ton frère, tout se passe bien entre vous ? Tu veux en parler ? »

Sans attendre sa réponse, elle s’assit à ses côtés et entreprit de faire la toilette du matou. Il en avait bien besoin. Peut-être qu’ainsi, il ne remarquerait pas le regard inquiet et soucieux de Perce-Neige qui couvait sans doute trop le guerrier.

Feu Follet s'assied sur le parterre d'herbes, soupirant longuement. Malgré les nombreuses tentatives de réconciliation de son frère, il n'avait toujours pas pardonné Feuille de Trèfle pour sa trahison. Certes ils s'étaient disputés pour ce qui pourrait sembler une broutille aux yeux des autres félins, mais pour Feu Follet cela était indispensable, surtout entre frères. Feuille de Trèfle avait omis sa propre parole, et il était le seul coupable dans cette histoire. Feu Follet ne faisait que lui donner une leçon, soit un peu cruel pour eux deux sachant qu'ils n'avaient plus aucune famille à part un frère, et en ce moment, ils ne se parlaient plus.

Feu Follet ferma les yeux, prenant une grande inspiration afin de reprendre son calme. La colère et la haine bouillonnaient toujours en lui, quand un coup de langue râpeux sur le dessus de son crâne le fit sursauter. Il se recula d'un bond, d'abord sur la défensive, puis voyant que l'auteur de ce geste n'était autre que Perce-Neige, il se détendit aussitôt, son regard doré s'adoucissant.

« Bonjour Feu Follet. Tout va bien? Il est rare de te voir ainsi avec ton frère, tout se passe bien entre vous? Tu veux en parler? » miaula doucement Perce-Neige.

Feu Follet contraint sa fourrure à rester plat sur son dos, mais la seule mention de son frère jeta de l'huile sur le feu. Son museau se plissa machinalement, montrant légèrement les dents comme s'il s'apprêtait à mordre sauvagement un ennemi alors qu'en réalité il se trouvait simplement au camp avec une coureuse de confiance à ses côtés et plus aucun signe de son traître de frère dans le creux.

« C'est une longue histoire... » se contenta de siffler Feu Follet entre ses dents.

La réaction du jeune guerrier surprit Perce-Neige, elle ne l'avait jamais vu dans cet état. En le voyant plisser le museau et montrer les dents, la femelle au pelage blanc stoppa un instant la toilette du matou. Elle pouvait sentir la tension qu'il ressentait, rien qu'en l'observant. En plus de l'inquiétude qu'elle ressentait pour son jeune ami, elle sentait monter en elle de la curiosité. Elle reprit la toilette de son camarade, en essayant de deviner la raison de sa colère. Que s'était-il donc passé pour que les deux frères, habituellement si complices, se retrouvent ainsi en froid ?

« C'est une longue histoire... »

Perce-Neige dévisagea son interlocuteur, d'un air perplexe, elle s'attendait à une réponse un peu plus précise. De plus, elle avait l'impression que ses généreux coups de langue n'avaient strictement aucun effet sur l'humeur de son camarade. Elle, qui avait l'habitude de détendre ses amis de cette manière, comprit qu'il faudrait cette fois aller jusqu'à la source du problème et pour cela, il devait se confier à elle. La guerrière se redressa, s’étira rapidement et s'installa juste devant le matou. Ainsi, elle pouvait plonger son regard plein de compassion dans celui du rouquin. Elle lui répondit du même ton doux avec lequel elle l'avait abordé un peu plus tôt :

« Je n'en doute pas, je ne veux pas te forcer à m'en parler, mais ça a l'air de beaucoup te préoccuper et je n'aime pas te voir comme ça. Sache que je suis là pour t'écouter toute une lune si il le faut ! »

La guerrière accompagna ses derniers mots d'un grand mouvement de tête et d'un petit sourire amusé et bienveillant. Même si elle avait terminé sa phrase sur une touche d'humour, elle avait essayé de prendre des pincettes pour ne surtout pas le vexer et ainsi lui permettre de se confier à elle. Elle sentait qu'actuellement, il avait plus que besoin d'une confidente.

Perce-Neige dévisagea un instant Feu Follet avec un air perplexe, puis elle se redressa, s’étira rapidement et s’installa juste devant le creuseur. Ainsi, elle plongea son regard plein de compassion dans celui du rouquin et lui répondit du même ton doux avec lequel elle l’avait abordé un peu plus tôt:

« Je n'en doute pas, je ne veux pas te forcer à m'en parler, mais ça a l'air de beaucoup te préoccuper et je n'aime pas te voir comme ça. Sache que je suis là pour t'écouter toute une lune si il le faut! »

La guerrière accompagna ses derniers mots d'un grand mouvement de tête, et d'un petit sourire amusé et bienveillant. Feu Follet, quant à lui, réprima un mouvement de recul. Il croisa le regard plein de compassion de la guerrière, et s’efforça de se calmer. Soupirant longuement, le rouquin laissa tous les muscles de son corps se détendre et son pelage retombé le long de son dos, puis il baissa les yeux sur ses pattes antérieures avant de les relever et de les plonger dans ceux de la chatte blanche:

« Très bien, c’est d’accord, mais ne va pas le répéter à qui que ce soit. La réputation de mon frère, que dis-je, Feuille de Trèfle notre guérisseur et notre clan est en jeu. C’est très important! »

Il n'était pas facile de lui tirer les vers du museau mais Perce-Neige le connaissait bien et elle savait pertinemment qu'il avait confiance en elle et qu'il accepterait de lui en parler. Il avait du mal à se calmer, ce qu'il s'était passé avec son frère semblait l'avoir beaucoup énervé. Perce-Neige était toujours pleine de questions face au visage irrité de Feu Follet et plus le temps passait, plus elle mourait d'envie de savoir ce qu'il était arrivé aux deux frères. Malgré tout, elle essaya de garder un regard plein de compassion, sa curiosité passait après les besoins du jeune guerrier. Elle se sentit rassurée lorsqu'elle vit son ami se calmer et plonger son regard dans le sien, il était prêt à lui parler.

« Très bien, c’est d’accord, mais ne va pas le répéter à qui que ce soit. La réputation de mon frère, que dis-je, Feuille de Trèfle notre guérisseur et notre clan est en jeu. C’est très important! »

Elle ne put s’empêcher d'être surprise, quel genre de situation aurait bien pu remettre en cause la réputation de Feuille de Trèfle ? Que s'était-il donc passé ? Perce-Neige n'en pouvait plus d'attendre, elle voulait savoir. Elle se savait capable de garder un secret mais si le problème était grave, elle se sentirait obligée d'en parler à Étoile de Rose. La sécurité du clan passait avant tout. Elle afficha un air beaucoup plus sérieux et hocha la tête vers son camarade.

« Je ne dirais rien, promis ! Je ne veux, en aucun cas, poser de problème à qui que ce soit, surtout pas à ton frère. »

Elle ne mentait pas, elle ne voulait pas lui causer de problème. Ce n'était sans doute pas aussi catastrophique que ce qu'il avait l'air de penser, du moins elle l’espérait. Elle n'avait pas envie de trahir la confiance de son ami. Elle attendit sa réponse, d'un air sérieux et attentif, les oreilles bien tournées vers lui. Elle allait enfin savoir ce qui n'allait pas.

Feu Follet put aisément lire l’émotion de la surprise dans les yeux bleu ciel de Perce-Neige. De plus, il commençait à regretter amèrement d’avoir finalement accepté de tout lui dire, et son pouls s’accéléra. Feu Follet baissa de nouveau le regard sur ses pattes blanches tachetées de terre, piétinant le sol avec nervosité. Toute sa colère avait disparue, mais maintenant il craignait pour la sécurité de son frère et du clan. Perce-Neige serait-elle capable de garder une telle révélation pour elle, ou ressentirait-elle un besoin urgent de confier ce lourd fardeau à un autre chat comme le vivait présentement le creuseur? Feu Follet ne pouvait en être certain, mais sa confiance en la coureuse blanche et son caractère niais le poussaient à tout avouer.

« Je ne dirais rien, promis! Je ne veux en aucun cas poser de problème à qui que ce soit, surtout pas à ton frère. » miaula soudainement Perce-Neige avec un sérieux tellement exemplaire que Feu Follet ne put retenir sa langue plus longtemps. La coureuse l’avait entièrement convaincue.

« Je... je ne sais pas par quoi commencer... » marmonna Feu Follet, visiblement mal à l’aise. Ses yeux jaune croisèrent ceux bleu de la coureuse qui lui fit signe d’un simple hochement de tête rassurant de poursuivre, et il continua. « L’autre jour... je me suis rendue dans la tanière de Feuille de Trèfle... afin de lui proposer mon aide pour soigner les malades et... »

Les mots se coinçaient dans sa gorge comme s’il était en train de manquer d’air, de se noyer dans un flot de souvenirs extrêmement douloureux. Feu Follet ravala même des larmes. Comment Feuille de Trèfle, son propre frère, pouvait-il oser penser à faire une chose pareille? Et le Clan du Vent dans tous cela? Leurs camarades?

En voyant le regard du guerrier la dévisager, elle comprit qu'il se sentait enfin prêt à se confier à elle. Perce-Neige était flattée qu'il lui fasse confiance, elle espérait sincèrement qu'elle n'aurait pas à le trahir et que la situation n'était pas aussi grave que semblait penser le creuseur.

« Je... je ne sais pas par quoi commencer... » Feu Follet était toujours hésitant, le suspense était insoutenable, Perce-Neige l'invita à poursuivre d'un hochement de tête, elle allait enfin savoir. Il se décida à reprendre. « L’autre jour... je me suis rendue dans la tanière de Feuille de Trèfle... afin de lui proposer mon aide pour soigner les malades et... »

Feu Follet s'arrêta dans son récit. Perce-Neige ne put cacher sa surprise en voyant le visage de Feu Follet se décomposer un peu plus à chacun de ses mots. Finalement, cela semblait bien plus grave que ce qu'elle pensait. Les souvenirs qu'il évoquait semblaient l'avoir presque traumatisé. Perce-Neige s'inquiéta beaucoup plus sérieusement et donna de grand coups de langue à son camarade pour essayer de le rassurer.

« Tu as l'air bouleversé, ça m'inquiète. Si en parler maintenant est trop dur, tu peux attendre un peu, ne te sens pas obligé de te confier. Je n'aime pas te voir comme ça... »

Elle termina sa phrase d'un ton triste, voir le jeune guerrier dans cet état ne la laissait pas indifférente. Elle essaya d'avoir un regard compatissant mais elle était incapable de cacher son inquiétude. Qu'avait donc fait Feuille de Trèfle pour mettre son frère dans un état pareil ?

[Pardon pour le délais de réponse mais je croyais avoir publié ma réponse il y a un moment déjà alors que ce n’était pas le cas. Encore pardon.]

Feu Follet tremblait des oreilles au bout de la queue. Le souvenir que le creuseur évoquait se dessinait aussi clairement dans sa tête que s’il se déroulait en ce moment même de nouveau devant ses yeux. Il revoyait l’obscurité de la tanière du guérisseur, sentait le parfum des herbes et apercevait Feuille de Trèfle penché au-dessus d’un malade avec un remède dans la patte. Seulement, lorsqu’il c’était approché du guérisseur il avait constaté avec horreur que ce que tenait son frère dans la patte n’était pas un remède ordinaire. Il s’agissait de baies rouges écarlates au noyau noir de jais. Des baies empoisonnées!

« Tu as l’air bouleversé, cela m’inquiète. Si en parler maintenant est trop dur, tu peux attendre un peu, ne te sens pas obligé de te confier. Je n’aime pas te voir comme ça... »

Feu Follet hésitait encore. Perce-Neige avait beau ne pas le forcer mais Feu Follet sentait dans la moindre fibre de son corps que la confession le soulagerait de ce lourd fardeau sur ses épaules. Feu Follet ne voulait pas nuire à la réputation de son frère mais il voulait également protéger ses camarades de clan, même les chats les plus faibles, les malades coincés dans la tanière du guérisseur ayant perdu la foi.

« Non. Je dois le dire à quelqu’un... Feuille de Trèfle... il a... il a essayé de donner des baies empoisonnées à un chat malade... Mais je l’ai surpris et... il a menacé de les manger lui-même si je le racontait à quelqu’un d’autres... Il a perdu la foi en le Clan des Étoiles! »

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