pour ne pas être seul PV Silence des Corneilles

Depuis le levé du soleil, Silence des Corbeaux n'avait pas chômé. Depuis que la maladie rongeait lentement mais surement le Clan de la Rivière, le jeune mâle ne cessait de s'activer à l'extérieur pour rapporter à manger, mais surtout, pour éviter la maladie. En effet, le camp était actuellement un concentré de malades porteurs de symptômes dont on ne savait presque rien. Les remèdes, les effets secondaires, les moyens de transmissions, tous ceci semblaient encore flous et s'il y a bien une chose que Silence des Corbeaux détestait c'étaient les maladies. Il était terrifié à l'idée de tomber malade, parce qu'il était terrifié par la mort. Le Clan des Etoiles avaient beau exister et offrir une place au sein de leur rang, il ne pouvait se résoudre à quitter cette terre, cette forêt et les clans à cause d'une bactérie inconnue.

Il avait donc passé une grande partie de la journée à l'extérieur, s'occupant de tâche telle que la chasse, la pêche, ramasser de la nouvelle mousse pour les litières ou simplement errer sur le territoire, en se disant qu'il était même moins dangereux de patrouiller seul que de rester plus d'une heure dans le campement. Malheureusement pour lui, le soleil commençait à décliner et il allait devoir rentrer. Observant le ciel se teintait d'orange et de rouge, il repartit à contre cœur en direction du campement, cherchant diverses solutions pour contourner les membres de son clan et ainsi éviter tout contact physique avec quelqu'un.

Lorsqu'il arriva dans le campement du Clan de la Rivière, il l'observa d'un regard soupçonneux, comme s'il s'attendait à voir l'ombre de la maladie s'avançait vers lui avec un sourire diabolique et lui susurrait à l'oreille "Coucou toi, je peux loger chez toi ? Mon dernier colocataire est mort !". Un frisson glaciale lui parcourus l'échine puis, prenant son courage à deux pattes, il s'avança comme si de rien n'était pour se trouver une activité avant d'aller dormir. Soudain, il sentit une présence s'approcher de lui dans son dos. Était-ce le Mal Rouge qui venait le visiter comme il le craignait tant ? Une voix s'éleva dans les airs, s'adressant visiblement à lui. Non, le Mal Rouge n'avait pas de voix, et il reconnaissait parfaitement le timbre clair et portant de la meneuse de leur clan. Il se retourna donc pour lui faire face et écouter ce qu'elle avait à lui dire.

- Bonjour. J'aimerais aller chasser et tu vas m'y accompagner.

Sur ces mots, elle se retourna pour quitter le campement sans même lui jeter un regard. Silence des Corbeaux arqua un sourcil avant de la suivre, marmonnant des noms d'oiseaux dans sa tête à son intention. "A vos ordres votre sublimissime Altesse". Au moins, elle s'était pris la peine de dire bonjour. De plus, elle lui offrait là une occasion inespérée de s'éloigner à nouveau du camp et de l'ambiance lourde qui y pesait. Il ne perdit donc pas son temps à réfléchir à s'il devait la suivre ou non - de toute façon il n'avait pas le choix - et il entama un petit trot pour venir se mettre non pas à sa hauteur, mais légèrement en retrait sur son côté droit comme elle guidait leur petite patrouille.

Depuis qu'elle lui avait ordonné de le suivre, un silence qu'il trouvait pesant s'était installé entre eux, et les blancs, il n'aimait pas beaucoup ça, mais que pouvait-il bien dire ? Il savait qu'elle n'était pas spécialement le genre à accepter la compagnie masculine, il s'étonnait d'ailleurs qu'elle l'ait choisit pour l'accompagner, et lui ne savait pas vraiment faire autre chose que des petites blagues ou phrases d'accroches pour tenter de séduire son auditoire. Or, il n'était pas certain qu'elle serait réceptive à son humour ou son côté tchatcheur, il devait donc trouver autre chose à dire, mais quoi…?

- Où allons-nous précisément ?

Il n'avait pas trouvé mieux. Il aurait pu parler du temps qu'il fait, de comment aller le clan, de si elle était fatigué, mais il trouvait ces questions trop bizarres ou dans le contexte, déplacés. Il se contenta donc de quelque chose de simple, qui n'avait pas de raison d'instaurer un malaise.

Le silence pesait lourd entre les deux matous, et plus Silence des Corbeaux réfléchissait à comment entamer la conversation pour le faire disparaitre, plus il se prolongeait. Finalement, il trouva des mots, peut-être pas justes, mais suffisant pour entamer la conversation sur de bonnes bases. C'est en cherchant par quel moyen débuter leur discussion qu'il constata qu'il ne la connaissait pas, et qu'il ne savait donc pas vraiment comment lui parler. Il ne pouvait pas faire comme il le faisait toujours, avec une petite phrase d'accroche et un sourire charmeur en lui faisant un clin d'œil complice, car elle était sa meneuse et il lui devait le respect. Il ne pouvait pas lui parler de ses habitudes ou de son passé car il ne la connaissait pas vraiment, il ne pouvait même pas lui parler en tant qu'égale comme il le ferait avec n'importe quel guerrier car elle n'était pas qu'un simple guerrier.

- Nous allons à la rivière.

Aucune émotion ne traversa le visage du mâle aux couleurs des ténèbres. Il avait posé la question pour briser le silence mais il savait parfaitement où ils allaient. Depuis qu'il passait son temps à vadrouiller pour éviter le campement, il avait l'impression de connaitre le territoire comme sa poche, cela faisait bien une dizaine de minutes maintenant qu'il savait où ils allaient. Aucune once de surprise ne se peignit sur son visage, ni même de la joie ou de dépit. Il resta impassible, se contentant de hocher la tête puis de se taire. Sa réponse brève était pour lui très clair : elle n'avait pas envie de parler. Il trouvait ça bien dommage, lui qui aimait tellement jacasser, mais c'était son choix, et il n'avait malheureusement rien à y redire. Il se contenta donc de garder le silence, se forçant presque à ravaler certaines questions qu'il aurait pu poser pour faire la conversation.

Une fois arrivée à la rivière, la meneuse s'assit sur le bord de la rivière et l'invita à faire de même. Silence des Corbeaux s'exécuta sans broncher, posant son arrière train sur l'herbe fraîche. Il prit une grande inspiration, se délectant des courants d'airs purs qui semblaient faire la course avec le courant de la rivière. Il ferma un instant les yeux, profitant du silence qui n'était plus du tout pesant maintenant que le clapotis agréable de l'eau résonnait dans ses oreilles. Ce dont il avait peur, c'était l'absence totale de bruit, comme si le monde s'était mis sur pause ou qu'il avait perdu l'audition. Il devait donc toujours entendre un son pour se rassurer, que ce soit l'eau, le vent ou la voix de quelqu'un. D'un geste délicat, il enroula sa queue autour de ses pattes pour les protéger des gouttelettes froides qui jaillissaient de temps à autre de la rivière tumultueuse. Soudain, sentant un regard pesant sur lui, il rouvrit les yeux et tourna son regard pâle vers la meneuse qui le fixait. Si elle n'était pas sa meneuse, il lui aurait certainement sortit que si elle tenant temps à le regarder, il pouvait dormir avec elle cette nuit, histoire qu'elle puisse apprécier chaque courbe de son corps dans son sommeil. Mais bien sûr, elle n'était pas n'importe qui. Elle détourna finalement la tête, et il fit de même, regardant le vent agiter les roseaux de la rive opposée.

- Penses tu que nous ayons bien fait de récupérer ces rochers du soleil ? J'ai entrainé le clan dans une guerre en période difficile, maintenant Etoile de Poussière veut notre peau.

Le mâle de jais fronça les sourcils, avant de reporter à nouveau son attention sur elle. Il était étonné qu'elle lui pose cette question à lui. Après tout, il n'était ni un vétéran, ni même le lieutenant, que pouvait bien lui apporter l'avis d'un guerrier lambda ? Était-ce un test pour évaluer sa loyauté et s'il était assez courageux ou bête pour remettre en question les choix de la femelle ? Il détourna le regard, prenant quelques secondes pour réfléchir à sa question. Se contentait d'un "Vous avez raison" lâché dans la seconde n'était pas suffisant, il n'aurait rien d'honnête. Si elle lui posait la question, c'était parce qu'elle voulait un avis sincère et réfléchit, pas quelques mots lâchaient à la va vite pour lui dire "oui oui votre imminence, vos décisions sont incontestablement les plus illuminées de la forêt toute entière."

- Et bien, je sais que mon avis n'est certainement pas très important, et de toute façon maintenant que c'est fait cela n'y changera rien, mais je suis sûr que vous prenez toujours les décisions pour le bien du clan alors… si c'est votre décision, alors c'était une bonne décision.

Sur ces mots, il tourna la tête vers elle et ne pu retenir un petit sourire taquin. C'était plus fort que lui, il avait beau se museler de toutes ses forces pour ravaler cette facette de lui, elle finissait toujours par réapparaitre.

- Si mes petits n'étaient pas… mort je ne serais jamais devenue lieutenante et je n'aurais jamais eu à prendre ce genre de décisions.

- Mais c'est ainsi que les choses se sont déroulées. C'est la volonté du Clan des Etoiles de vous avoir fait meneuse, ils savent donc que vous prendrez les bonnes décisions pour nous. Voyez les choses d'un autre œil, vous avez réussit à conquérir un nouveau territoire avec un clan malade, c'est un grand exploit.