Faire une alliance est une compromission entre une allégeance et une soumission - PV Poudre de Mite

Pelage Ombragé était sorti se promener afin de s'éclaircir un peu les idées. Depuis l'annonce d'Étoile Sombre au sujet de l'alliance avec le Clan de la Rivière, le jeune guerrier gris pommelé n'arrivait plus à fermer les yeux la nuit car ses pensées se tournaient et se retournaient dans sa tête comme son corps sur sa couche. Son sommeil trop agité pour ses camarades de tanière, Pelage Ombragé avait été chassé du camp cette nuit-là, certains lui avaient même conseillé d'aller prendre l'air et de chasser un peu si le cœur lui en disait, mais le jeune guerrier gris pommelé n'avait nul envie de chasser; son esprit était trop préoccupé pour se concentrer sur la traque de proies. Pelage Ombragé était si tête en l'air, qu'il ne se rendit même pas compte de l'endroit où le menait ses pattes avant d'y être arrivé. Le jeune guerrier gris pommelé s'arrêta subitement lorsqu'il aperçut les Quatre Chênes droit devant lui. Pelage Ombragé les contempla un instant, puis il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule vers le tunnel sous le Chemin du Tonnerre derrière lui. Le jeune guerrier gris pommelé devait l'avoir emprunté sans s'en rendre compte car il ne se souvenait pas avoir traversé la surface lisse et noire qui se trouvait en amont. Pelage Ombragé s'ébroua et poursuivit tout de même sa descente vers les Quatre Chênes. Peut-être pourrait-il y dormir un peu sans déranger ses camarades de Clan.

Poudre de Mite se tenait assis dans une petite clairière non loin du campement du Clan de la Rivière, son regard bleu ciel posé sur un carré de verdures au pied d’un saule. Sur l’herbe reposaient quelques pierres et des fleurs séchées que la saison des feuilles mortes avaient finis par faire flétrir. Il s’agissait de la tombe de sa mère biologique, Coquille de Neige. Bien qu’il ne la connaissait pas, il ne pouvait pas s’empêcher de ressentir une profonde tristesse pour elle. Il avait mainte fois entendu sa mère adoptive et son père parler de la beauté et de l’intelligence de sa génitrice, et il les enviait de l’avoir connue.
Poudre de Mite ferma les yeux un instant. Oh Coquille de Neige... je ne sais pas si tu peux m’entendre mais depuis ma plus tendre enfance on me répète que tu veilles sur moi depuis le jour de ma naissance... Si tu m’entends et m’observes, envoie-moi un signe... n’importe lequel... Puis il les rouvrit et les leva au ciel. Je t’en supplie...
Poudre de Mite remarqua un étrange mouvement sous un des nuages au-dessus de sa tête comme si un morceau en tombait, blanc et cotonneux. Un flocon de neige! s’exclama-t-il lorsque le petit point blanc virevolta devant ses yeux bleus ciel. Serait-ce un signe de toi, Coquille de Neige?
Poudre de Mite ressenti une joie immense et chaleureuse l’envahir à cette pensée. Coquille de Neige avait exaucé sa prière! Toutefois, une brise glaciale vint balayer le petit flocon qui s’envola au loin. Poudre de Mite se leva aussitôt. Non, attends! Et poursuivît le flocon de neige à travers la forêt. Il traversa la rivière sur les pierres de gué et se dirigea ensuite vers les Quatre Chênes, toujours à la poursuite du flocon de neige.

Pelage Ombragé arriva enfin aux Quatre Chênes, ses pattes fatiguées le démangeait et il n’avait qu’une seule envie; se coucher et dormir jusqu’au lendemain matin. Le jeune guerrier gris pommelé se mit alors en quête d’un nid de fortune dans les alentours et opta rapidement pour le couvert d’un épais buisson d’aubépines sous lequel se trouvait un amas de feuilles sèches et craquantes. Pelage Ombragé s’y installa sans broncher malgré la raideur des feuilles contre ses flancs. Le guerrier gris pommelé se roula en boule, posant sa tête sur ses pattes antérieures et la queue sur son museau, puis il ferma doucement les yeux. L’obscurité envahit aussitôt son esprit, le transportant dans le sommeil tel une feuille morte balayée par le vent glacial de la saison des feuilles mortes. Pelage Ombragé sombrait dans le sommeil.

Poudre de Mite fila au travers des sous-bois, les feuilles des buissons lui fouettaient le museau. Il ne voyait plus le petit flocon de neige blanc mais ses pattes semblaient connaître le chemin comme s’il l’avait déjà emprunté des dizaines de fois. Alors qu’il émergeait des broussailles de l’autre côté, le petit flocon de neige blanc réapparut devant ses yeux comme par magie. Coquille de Neige! lança Poudre de Mite en redressant la tête, les oreilles et la queue de joie. Tu es toujours là! Sur ces mots, le vent balaya de nouveau le petit flocon de neige blanc qui poursuivait sa frénétique course en direction des Quatre Chênes. Poudre de Mite le suivit sans plus attendre, son pelage bicolore, gris et blanc, se fondant presque dans le paysage enneigée et le ciel obscur au-dessus de lui. Rapidement, il émergea enfin dans la clairière des Quatre Chênes, son petit guide neigeux toujours en vue. Poudre de Mite le suivît avec concentration jusque sous le Grand Rocher où le flocon alla se poser sur la truffe rosé d’un chat endormi. Poudre de Mite s’arrêta net de marcher, sa fourrure se hérissant de surprise. Qui est ce chat? se demanda-t-il avant de sentir l’odeur caractéristique du Clan de l’Ombre; celle des aiguilles de pins et de la terre humide.

Pelage Ombragé venait à peine de s’assoupir quand quelque chose de minuscule, froid et humide tomba sur sa truffe. Il plissa le museau sans ouvrir les yeux et éternua doucement avant de passer l’une de ses pattes antérieures sur son visage ensommeillé. Une drôle d’odeur lui chatouilla les narines; un parfum à la fois humide et frais, rappelant étrangement un cours d’eau. Pelage Ombragé souleva difficilement ses paupières, découvrant quatre pattes grises aux pieds blancs devant lui. Il n’était plus seul. Le guerrier gris pommelé leva lentement la tête, ses yeux bleus groggy scrutant le moindre membre de l’intrus bicolore; ses épaules solides et souples, sa fourrure soyeuse et brillante, son cou fin et robuste, son museau ni long ni trop court et ses grands yeux bleus ciel en amande. Pelage Ombragé n’eut aucune difficulté à reconnaître un chat du Clan de la Rivière dans ce portrait. Cependant, bien que son nez lui criait qu’il s’agissait d’un mâle, ses yeux pouvait aisément lui laisser croire que c’était une femelle, et une assez jolie en plus.

« Hum... Bonjour? » laissa échapper Pelage Ombragé.

Poudre de Mite regardait avec curiosité le chat gris pommelé. Il croisa son regard bleu violacé avec ses yeux bleu ciel. Qui était-il, et que faisait-il seul ici? Poudre de Mite força sa fourrure bicolore à rester en place. Il savait que le Clan de la Rivière avait fait un pacte de paix avec le Clan de l'Ombre, et les guerriers des deux Clans devaient être polis et courtois avec ceux de l'autre Clan.

« B-bonjour... »

Poudre de Mite répéta ce mot par pure gentillesse, mais aussi parce qu'il n'avait pas d'autres choix. Un long silence tomba sur les deux félins qui continuaient de se fixer droit dans les yeux comme si chacun attendait que l'autre fasse le premier pas et ose briser la trêve. Or, Poudre de Mite ne serait pas ce chat. Pacifiste, s'il pouvait éviter l'affrontement, il le ferait volontiers. Alors Poudre de Mite resta immobile, son corps ne présentant aucun signe de potentiel agression. Puis après un certain temps, il ouvrit légèrement la bouche, laissant un petit miaulement aigu s'en échapper à moitié.

« Que... tu ici? »

Pelage Ombragé observait le chat bicolore qui se tenait debout devant lui de la tête aux pattes. Ce drôle de félin ne ressemblait pas aux membres typiques du Clan de la Rivière avec sa silhouette élancée, son pelage court et sa queue touffue; on aurait davantage crue à un membre du Clan du Vent. Pelage Ombragé chassa cette pensée et se redressa lentement sur ses quatre pattes avant de s’asseoir sur son arrière-train, sa queue annelée soigneusement enroulée autour de ses pattes tigrées. Le guerrier gris pommelé inclina légèrement la tête sur le côté, ses yeux bleus violacés croisaient ceux bleus ciel du guerrier bicolore se dressant devant lui avec interrogation.

« Tu me demandes ce que je fais ici mais toi que fais-tu ici? Ces terres n’appartiennent à aucun clan à ce que je saches alors j’ai autant le droit d’être ici que toi ou tout autre félin. »

Pelage Ombragé fit une pause pour reprendre son souffle avant de poursuivre.

« Et ce que je fais ne te concerne pas. »

« Tu me demandes ce que je fais ici mais toi que fais-tu ici? Ces terres n’appartiennent à aucun clan à ce que je saches alors j’ai autant le droit d’être ici que toi ou tout autre félin. »

Le guerrier gris pommelé cracha ses mots avant de faire une courte pause pour reprendre son souffle et poursuivre.

« Et ce que je fais ne te concerne pas. »

Poudre de Mite se recula de deux ou trois pas, les yeux grands écarquillés de surprise et les oreilles à plat sur le crâne. Il n’avait pas voulu froisser l’autre chat avec sa question, mais visiblement le guerrier gris pommelé semblait facilement irritable. Alors, Poudre de Mite pris la sage décision de répondre lui-même à son interrogation afin de prouver au guerrier gris pommelé qu’il n’était pas une menace. Ainsi, Poudre de Mite espérait que l’autre chat suit son exemple et ose enfin parler; pas pour lui soutirer des informations sur son clan, mais pour tout simplement papoter un peu. Le guerrier bicolore se redressa doucement, gardant sa tête légèrement baissé afin de ne pas dépasser l’autre chat en grandeur, et ainsi lui démontrer qu’il ne cherchait pas à le provoquer dans une altercation inutile.

« Je comprends. Chaque individu possède ses propres raisons. Mais moi, je ne suis pas venu ici avec la ferme intention de provoquer un combat. Je suis venu... euh... admirer les étoiles. »

Poudre de Mite fit à son tour une pause avant de continuer.

« Le territoire du Clan de la Rivière est beaucoup trop boisé pour pouvoir le faire là-bas. »

Pelage Ombragé sourit légèrement en voyant le chat bicolore se reculer avec une expression de peur dans les yeux. Au moins, le guerrier de l’Ombre avait réussi à l’effrayer et la suite de la discussion serait bien plus aisée à garder entre ses pattes, sous son contrôle. Le chat gris pommelé se tenait fièrement droit devant l’étrange guerrier de la Rivière, ne laissant aucune faiblesse paraître, même pas sa fatigue. Son but était d’intimider le pauvre chat bicolore et de le forcer à partir sans se servir de ses griffes, et cela semblait fonctionner.

Soudain, le guerrier de la Rivière se redressa, relevant légèrement la tête et essayant de ne pas s’élever au même niveau que le chat gris pommelé ou plus haut. Pelage Ombragé cessa de sourire un bref instant, comprenant ce que le félin devant lui cherchait à faire; il ne voulait pas se montrer faible, mais ne cherchait pas non plus la bagarre, et pour amplifier son stratagème, il miaula doucement:

« Je comprends. Chaque individu possède ses propres raisons, mais moi, je ne suis pas venu ici avec la ferme intention de provoquer un combat. Je suis venu... euh... admirer les étoiles. Le territoire du Clan de la Rivière est beaucoup trop boisé pour pouvoir le faire là-bas. »

Pelage Ombragé, surpris par les propos du chat bicolore, leva aussitôt les yeux vers le ciel nocturne. Le guerrier de la Rivière avait raison; les étoiles scintillaient majestueusement dans la toison argentée, un spectacle que même le Clan de l’Ombre ne pouvait voir de son propre territoire.

« Ouah... c’est magnifique... »

Poudre de Mite espérait beaucoup que l’autre guerrier le croit vraiment car même si ce n’était pas la véritable raison de sa venue en ces lieux, le chat bicolore ne cherchait pas les ennuis. Poudre de Mite fut même surpris lorsque le chat gris pommelé leva les yeux vers le ciel nocturne où scintillaient les âmes de leurs défunts ancêtres. Poudre de Mite aussi avait levé les yeux vers le ciel, admirant la beauté de la toison argenté avec une boule de tristesse coincée en travers de la gorge. Coquille de Neige, se dit-il intérieurement. pourquoi m’avoir conduit jusqu’ici, auprès de ce chat? Je ne comprends pas.

« Ouah... c’est magnifique... »

Le miaulement émerveillé du chat gris pommelé ramena Poudre de Mite sur la terre ferme, dans la clairière des Quatre Chênes, ses yeux bleu ciel se posant de nouveau sur le guerrier devant lui avec un air surpris.

« Le Clan de l’Ombre ne regarde-t-il jamais le ciel, la nuit? »

Poudre de Mite serra aussitôt les dents. Ces mots étaient sortis tout seuls, et il espérait ne pas avoir froissé le chat gris pommelé avec. Poudre de Mite n’avait pas voulu être méchant. Au contraire.