Il neigeait aujourd'hui. Cela faisait longtemps qu'aucun flocon n'étais venu s'écraser à terre. Surement les dernières neiges. Elles semblaient si tristes, comme des larmes gelées. Le ciel était parcouru de gros nuages gris, il faisait froid, sombre et pourtant il devait être au milieu de l'après-midi. Mais ce temps était tout ce qui laissait prévoir un mauvais présage. C'est peut-être pour ça qu'il aurait dû rester à dormir et se nourrir de souris. Depuis des jours il se voilait la face, depuis des jours il n'allait plus sur les terres du clan de la rivière, depuis des jours il se sentait bizarre. Mais il ne pouvait aller contre cette volonté. Hati était fier. Il avait accompli son devoir et c'était tout ce qui comptait. Il avait semé la discorde, détruit des vies comme il le souhaitait, alors pourquoi ne se sentait-il pas mieux ?
Malgré le vent en contre sens, qui lui balayait sa belle fourrure noire et les flocons qui venait désespérément s'agripper à ses poils, il continua de marcher, toussant lorsqu'un surplus d'air frais s'engouffra dans ses poumons. Il marchait résigner, comme si c'était sa destinée d'y aller. Il sentait Hati, tout prêt de lui, trottiner à ses côtés, comme pour le guider là-bas. Comme si son ombre s'était dédoublé et qu'un jumeau maléfique lui montrait sa prochaine calamité. Il appréhendait, plus il avançait, plus il venait à comprendre quelque chose. Quelque chose qu'il évitait depuis trop longtemps. Une vérité qui ne pouvait qu'éclater et cette fois, il ne pouvait y échapper. Ni même lutter.
Il l'avait compris en arrivant aux Hautes Pierres. Là où tout avait commencé surement et là ou tout devrait se finir. Il sentait Hati se rapprocher et murmurer de sa voix mielleuse qui lui ressemblait tant. " Tu n'as pas à mourir, Foudre, c'est à toi de vivre." Il avait baissé la tête, comme dominé par cet être dont il ne pouvait rivaliser… ou alors était-ce simplement un geste pour se protéger du froid ? Là encore, il refusait de voir la vérité. Mais maintenant, le voilà. Il y ferait face, inutile de tourner autour du pot et ce ne fut sans surprise ce qu'il vit à ce moment-là.
Hati avait souri et disparu. Le laissant seul face à ce chat. Dont la silhouette se perdait entre la tempête de flocon. Alors qu'à peine avant, de simple nuage cachait le soleil. Il cligna des yeux, le vent souffla un peu moins fort, laissant les flocons tomber tout droit. Il fit face à ce chat. Ce chat avec qui il s'était entendu si bien et malgré la mauvaise visibilité il n'y vit pas la même chaleur qu'à son habitude. Il se rapprocha, sans la moindre crainte. Une voile de tristesse passa dans son regard d'or avant de se dissiper rapidement pour adopter une attitude froide et sans le moindre sentiment.
- Alors tu es au courant, à présent. Tu as donc fini par enfin comprendre. On ne peut pas tout réparer avec de belles paroles. Tu en as payer le prix, maintenant il ne te reste que la solution que je t'avais proposé.
le tuer. Ses paroles était impitoyable et le ton sans appel. C'était comme ça, point. Tout se terminerait là ou tout n'aurais jamais dû commencé.
Le froid engourdissait les pattes d’Opale, la neige lui arrivait jusqu’au poitrail. Il respirait de manière hachée, avec difficulté, les flocons qui tombaient sur ses cils lui bouchaient la vue. Mais il avançait. Avec une force dont il ne se serait jamais senti capable. L’adrénaline qui parcourait son corps ne lui était pas familière, tout comme la rage qui le faisait bouillonner. La tempête s’était déclarée quand il était entré dans la plaine, un immense manteau blanc recouvrant le plateau. Le vent balayait sa fourrure à rebrousse-poil et il gardait les yeux fermés pour avancer. Ce n’était pas le froid qui allait le faire reculer.
Voilà quelques heures qu’il avait quitté Cœur de Jais. Son ami lui avait fait une révélation qui allait certainement chambouler sa vie. Qui allait peut-être même le tuer. Il pestait en marchant avec difficulté, grognant et feulant. Lui habituellement si calme, semblait sur le point d’exploser. Ses oreilles sifflaient. Foudre… Foudre l’avait trahi. Il avait violé son tendre ami d’enfance. Et c’est cette garantie qui avait sauvé Cœur d’Opale, sans même qu’il ne le sache. Le solitaire et lui s’étaient appréciés. Ils avaient discuté en parlant de la vie comme un cadeau, mais jamais il ne se serait douté de l’horrible machinerie qui s’exerçait dans son dos. Il avait été naïf et imprudent. Il se sentait faible, égoïste, dégoutant et pourtant… Pourtant ! Cette force qui circulait en lui était inconnue. La haine ?
Il s’arrêta, essoufflé, grognant en se recroquevillant dans la neige. Bon. Il prit le temps de réfléchir. Il était parti bille en tête sur les terres libres, il ne savait absolument pas où se trouvait Foudre. Il pouvait être n’importe où, ici, nulle part. Mais il n’allait pas lâcher l’affaire. Ses pattes le conduisaient à l’endroit de leur première rencontre. Comme c’est dramatique. Il ne savait pas non plus ce qu’il allait faire quand il le verrait. La veille il… Il avait agi par pure gentillesse, non, par pur amour. Il avait essayé de consoler le solitaire, en vain. Haha ! comme c’était ironique. Il avait embrassé son bourreau. Un rictus déforma son minois, alors qu’il apercevait les silhouettes des hautes pierres dans la tourmente. Il était là. Devant lui. L’ombre familière du matou noir se brouillait. Sa voix lui parvient, distante, alors que son cœur battait à ses oreilles.
- Alors tu es au courant, à présent. Tu as donc fini par enfin comprendre. On ne peut pas tout réparer avec de belles paroles. Tu en as payer le prix, maintenant il ne te reste que la solution que je t'avais proposée.
Il l’avait à peine écouté, sortant ses griffes, son pelage se hérissant. De belles paroles. Il n’avait que ça à dire ? Le prix ? Le prix de quoi ? Il était essoufflé, épuisé par son périple dans la neige, ses pattes, son corps, son cœur le faisait souffrir, mais c’est sans hésitation aucune qu’il se jeta sur Foudre. Il déploya ses pattes, banda ses muscles, attrapant le solitaire entre ses griffes et le plaquant au sol avec force. Ils roulèrent dans la neige et il le maintient au sol avec violence. Il le dévisagea, les yeux brillants, mais c’était loin de l’affection qu’il avait pu manifester. Très loin. Ses prunelles bleutées étaient comme deux perles de glaces.
-Toi !
Sa voix rauque mourut dans le vent alors qu’il lui feulait au visage. Il tremblait de tout ses membres, mais il ne desserra pas sa prise pour autant. Ses pattes arrières labouraient les flans de l’autre pour le maintenir a terre. Pourtant… L’autre ne bougeait pas. Quoi ? qu’attendait-il ? La solution… Qu’elle blague.
-Comment as-tu pu… Toucher à Cœur de Jais… PARLE
Il avait levé une patte, prêt à le griffer. Sa nuque était proche, il aurait fallu une seconde éclaire pour qu’il lui tranche. Geste net. Précis. A peine moins fragile qu’une gorge de lapin. Mais non. Non. Il voulait des réponses. Il voulait savoir. Il le fixait, dans un mélange d’incompréhension, de détresse et de rancune profonde. Devait-il le tuer… ? La réponse était évidente, tout semblait lui crier qu’il devait le faire, même son instinct qui lui poussait à enfoncer ses griffes dans sa chair. Trahison.
-Pourquoi m’as-tu laissé t’approcher… Pourquoi m’as-tu laissé te parler… Tu es cruel, si cruel, tu savais qu’il était mon ami n’est-ce pas ? TU SAVAIS ? COMBIEN D'AUTRES ? PARLE, DÉFEND TOI
Dis-moi que c’est faux… La dernière étincelle d’espoir qu’il lui restait, que le félin dont parlait Jais soit autre, que… Mais c’était impossible. C’était lui, il était coupable, s’en voulait-il seulement ? Il avait réellement fait ça pour… Pour Satan ? Un rire ironique perça dans sa gorge alors qu’il baissait les yeux, grommelant. Qu’il avait été bête.
Le lien s'était brisé alors qu'il avait mis si longtemps à se construire. Un lien affectueux basé sur de la confiance… Et voilà qu'il éclata comme des petits morceaux de verres… Il n'avait été que ce qu'on voulait qu'il soit : Un démon. Cruel, impitoyable, qui n'avait hésité à exécuter une sombre machination au nom de sa propre cause. Au plus profond de lui il se sentait si heureux! Mais cette joie était celle de Satan, la sienne, plus discrète était perdue. Il avait joué son rôle à la perfection et même s'il mourrait, il remplacerait Hati. Et comme Hati avant lui qui portait comme ancien nom Yaël, il ne se nommerait plus Foudre, mais Satan. Il n'avait jamais été seul, jusqu'au bout, sa conduite avait été dictée.
La haine seul émanait du guerrier. Coeur de Jais lui avait tout raconté, il en était sûr. Peut-être aurait-il dû le tuer tant qu'il le pouvait. Le faire taire à jamais. Mais c'était mieux ainsi. Qu'il l'apprenne. Ou alors il aurait dû lui dire ? Avoir le courage de l'affronter. Mais il n'avait pas osé avant aujourd'hui. Et aujourd'hui il allait l'accepter. Même si voir le regard de celui avec qui il s'était si bien entendu lui fendait le cœur… Il ne devait pas y penser et faire face.
Il sentit la rage, la fourrure hérissée, il n'hésita pas. Il se jeta sur lui avec force, le faisant rouler dans la neige, Foudre feula mais ne griffa pas. Il aurait pu, il le savait. Opale était tellement énervé que des milliers d'ouvertures s'ouvraient à lui pour tenter de se dégager mais il ne fit rien. Il se retrouva plaqué contre la neige froide, immobile, deux yeux bleus, glacé, perçant de rage qui le fixaient. Il ne bougea pas, l'observant d'un regard le plus neutre possible.
- Toi !
Une voix rauque, il tremblait. Il chercha la meilleure position pour ses pattes pour empêcher que le solitaire ne se redressa et là encore, le matou tacheté semblait tellement sous le choc qu'avec un peu de bonne volonté, il aurait surement pu trouver un moyen de lui donner bien du fil à retordre. Au lieu de quoi, il ne broncha pas. Il n'avait perdu dans sa chute, que quelque touffe de poil sur le flanc et un mince filet de sang coulait au coup de sa lèvre, terminant sa course le long de son menton. Avait-il percuté un petit caillou pointu ?
-Comment as-tu pu… Toucher à Cœur de Jais… PARLE.
Il avait levé une patte, comme pour l'achever ou simplement comme une menace. Foudre ne cilla même pas. Seul un petit sourire en coin se dessina sur son visage. Il avait mal. Non pas physiquement bien qu'Opale ne l'avait pas ménagé mais intérieurement. Mais il ne le laissa pas paraitre. Il ne voulait pas qu'Opale, en bon cœur qu'il avait, finisse par culpabiliser. Surtout pas..! Pourtant l'autre le fixait. Rage et incompréhension mélangées...
-Pourquoi m’as-tu laissé t’approcher… Pourquoi m’as-tu laissé te parler… Tu es cruel, si cruel, tu savais qu’il était mon ami n’est-ce pas ? TU SAVAIS ? COMBIEN D'AUTRES ? PARLE, DÉFEND TOI.
Non… en réalité, cela, il l'ignorait mais il ne comptait pas le lui dire. Il ne voulait pas se justifier ni se faire pardonner. Un tel mal ne pouvait être repenti. Tant de tromperie n'avait le droit au pardon. Foudre continua de le regarder de ses yeux doré et profond.
Il essaya de s'appuyer pour se redresser un peu, sans la moindre crainte d'être ainsi tué, ne cherchant même pas à essuyer le sang de ses babines, ses yeux étincelaient d'un éclat rieur alors qu'intérieurement il se brisait. D'un geste lent, voyant le visage si blessé du matou, il posa l'unique patte avant qu'il pouvait bougé de manière effronté, sur la joue du matou, qu'importe sa réaction. Il ricana et murmura.
- Beaucoup trop pour les compter, ma foi.
Il inclina la tête sur le côté. Il devait montrer son vrai visage à Opale, pour lui prouver qu'il devait le tuer, que sinon, bien des innocents encore, mourront de ses pattes. Qu'il pouvait par contre, sauver ceux qui étaient encore vivant. Il pouvait le faire. Son cou était visible, il ne cherchait même pas à le cacher où à faire attention. Mais sachant que cela ne suffirait surement pas à le convaincre, il ronronna impitoyable.
- je revois encore Coeur de Jais se débattre désespérément entre mes pattes, couvertes de sang, m'emparant de sa pitoyable dignité tandis que le jour d'avant tu acceptais avec plaisir de passer joyeusement du temps en ma compagnie!
Cœur d’Opale tremblait. Il n’arrivait pas à détacher les yeux de son ennemi. Il le fixait, le dévorant du regard, essayant de percer le mystère, de trouver des réponses à ses questions. L’autre aussi le dévisageait, il vit son sourire, se peindre sur sa face. Il ne lui avait jamais souri comme ça. Des crocs, un rictus menaçant, éclatant de fourberie. Un éclair fugace passa dans les yeux de l’autre, mais il ne l’attrapa pas, continuant d’observer le spectacle qui se déroulait sous ses yeux. Le vent soufflait, avec violence, sa vue se brouillait, encore.
L’odeur métallique et acre du sang envahissait ses sens alors que des gouttes avaient perlées sur la neige. Que… Devait-il faire ? Son cœur et ses entrailles étaient serrées, cela faisait si mal. Il devait venger Jais, c’est pour ça qu’il était ici… Pas vrai ? Pas pour se convaincre que tout cela était faux. Pas pour continuer à vivre paisiblement, à discuter avec ce solitaire aussi intriguant que séduisant. Faux, faux et encore faux. Tout n’avait été qu’illusion. Il vit l’autre lever sa patte, il resta immobile, figé. Paralysé par l’incompréhension. Il lui caressa le museau, presque de manière doucereuse. Premier coup au cœur.
-Beaucoup trop pour les compter, ma foi.
Il hoqueta, il sentait ses yeux le bruler, et ce n’était pas le froid qui causait cela. Il suffoquait, ne respirant pas pour éviter de trembler. Le vent soufflait, encore, et encore, la neige s’accrochait à sa pelisse. Qu’est ce que l’autre cherchait à faire… Voulait-il réellement mourir ? Cœur d’Opale n’avait jamais levé la patte sur personne. Jamais. Pas une fois il n’avait fait souffrir. Pourtant, c’était bien ses griffes qui se plantaient dans la chair de ce qui était autrefois un ami. Trop… Qu’avait-il fait ? Il n’y avait pas seulement Jais ? D’autres… Dans d’autres clans. Il était fou. Et lui, Opale, n’avait jamais réellement rien fait. Il était fautif, le coupable, et il devait payer le prix… N’est-ce pas ? Il n’avait jamais eu autant envie de mourir. L’autre se détendait entre ses griffes, comme s’ils ne faisaient que jouer. Il tendit sa nuque avec un sourire goguenard. Le narguait-il ? C’était sans compter ce deuxième coup au cœur.
- je revois encore Cœur de Jais se débattre désespérément entre mes pattes, couvertes de sang, m'emparant de sa pitoyable dignité tandis que le jour d'avant tu acceptais avec plaisir de passer joyeusement du temps en ma compagnie !
Opale resta sans bouger, fixant l’autre. Ses yeux froids le détaillaient, comme s’il essayait encore de comprendre. Comprendre quoi ? Il inspira brusquement, secouant la tête comme pour se débarrasser de pensées horribles. Il s’était redressé, pouvant permettre à l’autre de se dégager, mais c’était sans compter la vague de rage qui l’envahit. Brûlante. Il grogna, se jetant de nouveau sur l’autre le mordant avec violence, ses griffes s’enfonçant sur son ventre. Il voulait le blesser. Il voulait le faire. Il voulait le déchirer, se venger, les venger. Il l’avait trahi, blessé. Il avait ri, l’autre soir, en se disant que jamais il ne serait capable de le tuer. Mais il n’aurait jamais pensé à ça.
Il lui mordit l’épaule, sentant la chair se déchirer sous ses crocs, le sang giclant dans sa gueule. Horrible. Qu’est ce qu’il lui faisait faire ? Non… C’était lui qui faisait ça, c’était son choix. Il lâcha sa prise, mordant une patte alors que l’autre pouvait bien essayer de se débattre, ne serait ce que par réflexe. Lui briser les os. Tentant de le retourner pour lui mordre l’échine. Il se redressa, jaugeant l’autre de sa hauteur, se penchant presque doucement vers sa nuque. Il ne pouvait pas parler, les sons restaient coincés dans sa gorge. Il ouvrit la gueule, posant ses crocs sur la gorge de Foudre. Une pression. Une seule.
Mais il s’arrêta, immobile. Qu’est ce que je suis en train de faire… Il se transformait en monstre. Il se sentait dégoutant. Le sang dans sa gueule l’étouffait, toujours plus, il se redressa pour tousser avec violence. Il y en avait partout. Dans la neige, sur son pelage, sur ses pattes, ses crocs, sa gueule, ses yeux. Il regarda l’autre avec un regard effaré. Il avait peur de le tuer. Il ne pouvait pas. Prendre une vie n’était pas son droit, elle ne l’avait jamais été, et ce n’était pas le droit de Foudre non plus.
-Tu ne mérites même pas de mourir.
Son ton était pâle, faible, amer. Il fuyait ? Certainement. Il tourna sur lui-même, son cœur battait beaucoup trop vite, l’adrénaline et la panique ne lui était pas chose commune et il se sentait trop mal pour réfléchir. Il observa l’autre. Il le revoyait, au même endroit, rigolant sur un sujet quelconque. Banal. Il commençait à l’aimer. Un amour bien vite transformé en haine. Bien vite abandonné. Etouffé dans l’œuf par des péchés irréparables. Pourquoi l’autre ne se laissait-il pas mourir au lieu de lui confier la tâche ? C’était terriblement lâche. C’était pour le faire souffrir, jusqu’au bout. Il repensa à l’éclair fugace qu’il avait vu tout à l’heure. Il secoua la tête en grognant.
-Tu me trouves si bête au point de me confier la tâche de te tuer. Tu n'es pas satisfait ?
Il cracha, se tournant vers l’autre en le regardant de haut. Dans son mélange d’émotions, le mépris ressortait pourtant. Il regarda l’autre avec un regard mauvais. Il se voyait dans le reflet de ses immenses yeux jaunes. Il ressemblait à son père. Ça faisait mal. Il tentait de maîtriser les pulsions de rage qui le parcourait, le hérissant jusqu’aux oreilles. Il ne regardait plus l’autre, ne lui lançant plus un seul regard. Il allait encore le provoquer, il le sentait venir. C’était vrai, si l’autre souhaitait mourir tant que ça, qu’il aille se crever dans un lac. Sa peine serait de vivre, vivre pour se faire pardonner. Cette idée était idiote, et il continuerait de lui cracher à la figure. Cet éclat… Souffrait-il ?
Il n'y avait plus rien du doux Opale. Il n'y avait plus rien de l'espiègle Foudre. Impossible de croire que chez l'un comme chez l'autre un sentiment simple bourgeonnait en eux. Ce sentiment se nommera désormais "jadis". Il ne devrait plus rien rester d'autre ? Sa vie n'était qu'une condamnation. Et à présent, il se servait du guerrier pour le tuer. Pourquoi ne pas mourir de lui-même… car ce n'était pas la volonté de Hati. S'il voulut le succéder dignement, il devait mourir aux griffes de quelqu'un d'autre. Peu importe la cruauté que ce geste pouvait impliquer, il espérait que sa provocation finisse par convaincre le guerrier.
Et en effet ce fut bien parti. Après être resté un instant sans bouger, sous le choc par de pareil provocation et révélation. Il le laissa se relever. Mais au moment où il se mettait sur ses pattes, il se retrouva bien vite à la merci de coup de crocs et de griffes, la neige, si pure, si blanche se rougit, la violence de ses gestes, toute sa rage explosé d'un coup. Son épaule principalement, sentant les crocs arracher sa chair. Il feula. L'envie ardente de se battre et de le mettre à terre en un coup était présente mais il lutta. Tout son être lutta contre Satan pour ne pas broncher. Le sang coula le long de sa patte, lentement. Il sentit ses crocs lui effleurer la gorge, se presser lentement avant que l'autre ne s'immobilise. Que..?
-Tu ne mérites même pas de mourir.
Il l'observa en silence. Il sourit, crachant du sang dans sa gueule. Son propre sang alors qu'Opale s'étouffait avec celui du solitaire. Foudre se releva. Malgré la douleur. Ah. Il en avait vu d'autre mais cette blessure intérieure lui brûlait bien plus que son épaule. Il manqua de tomber une fois avant de lui faire vaillamment face. Était-ce une excuse car il n'osait pas le tuer ? Opale lui avait toujours dit avoir peur de devenir comme son père, s'en rendait-il compte..?
-Tu me trouves si bête au point de me confier la tâche de te tuer. Tu n'es pas satisfait ?
Il cracha contre lui. Le méprisait, le prenait de haut mais cela ne changeait rien pas vrai ? Il ne le tuait pas. Foudre lui sourit de nouveau, le sang toujours le long de ses lèvres et de sa plus grosse blessure à l'épaule sans oublier une moins profonde au cou et quelques égratignures. Il s'ébroua, le sang s'éparpilla sur le sol. L'autre semblait s'être calmer. Plus la moindre lueur de chaleur ne brillait dans son regard de glace. Il se donna un coup de langue sur l'épaule avant de l'observer avec insistance.
- Je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer. Me voilà bien vivant et lacéré de partout! Depuis le début j'ai été presque franc avec toi, non ? Je t'avais bien dit que tu te voilais la face.
L'autre le regardait d'un éclat mauvais. Son cœur se fendit. Il semblait plus malheureux qu'autre chose. Il fit un pas dans sa direction mais suspendit son geste… se ravisa. Il fut pris d'une envie étrange, celle de se rapprocher mais pas pour provoquer. Pour oublier, que tout redevienne comme avant mais ça, c'était impossible. Il tremblait légèrement et tenta de se rappeler celui qu'il était avec Opale. Voyant désormais que le guerrier ne le tuerais pas, il murmura:
-Ce qui arrive était inévitable, Opale. Merci pour tous ses moments. Je crois qu'au fond, tu ne m'as jamais été indifférent. Je n'oublierai rien de tout ça.
Opale se tourna vers le solitaire en le voyant se relever en titubant. Il se mit sur ses gardes, feulant toujours, le dos rond. Avait-il enfin décidé de se battre ? Non, l’autre se contenta d’être debout. Il l’observait, vaincu. Le guerrier était frustré, il n’avait jamais riposté, il avait l’impression d’être le tortionnaire. Mais l’autre n’avait eu que ce qu’il méritait. Il l’observa, sa vision se brouillait par a coup, au rythme de son cœur. Du sang tapissait la neige en petites éclaboussures écarlates. D'habitude il en aurait frémi, mais il était plus stoïque qu’un morceau de glace. Immobile, tendu, blessé, mais pas physiquement. Il aurait, quelque part, aimé que l’autre se batte.
Il aurait peut-être gagné en corps à corps. Mais il n’avait pas levé une patte, et il savait que cette blessure, qu’il avait en lui, serait bien plus douloureuse que n’importe quelle égratignure. Il chancela, ne lâchant pas l’autre des yeux. Il ne pourra sans doute jamais oublier cette image. Ce solitaire, déchiré, tache noire dans cet espace si pur. Le vent soulevant des flocons, les balayant avec violence. Il n’allait pas le tuer. Il aurait pu, il y a quelques instants, mais il ne s’en sentait plus capable. Il avait échoué. Cette pensée lui donna la nausée et il détourna vivement les yeux comme d’un mauvais spectacle. Quoi maintenant ? L’autre allait-il encore l’humilier ? Il se dit avec amertume que rien ne serait pire que ce qu’avait vécu Jais. Il ne lui avait pas fait vivre l’enfer.
- Je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer. Me voilà bien vivant et lacéré de partout ! Depuis le début j'ai été presque franc avec toi, non ? Je t'avais bien dit que tu te voilais la face.
Il baissa les oreilles en entendant sa voix, fermant les yeux. Un rictus déforma son joli minois. Il se dit avec hargne, tu n’as ce que tu mérites. Mais au fond il savait qu’il ne le pensait pas réellement. Et l’autre avait raison. Il semblait bien heureux de lui jeter à la face. Oui il s’était trompé. Il avait cru pouvoir l’aider, et voilà comment il lui rendait. Une expression d’une infinie tristesse et lassitude passa sur le visage du guerrier qui releva la tête, le regard perdu dans le vague. Il se tendit en sentant l’autre bouger, mais il ne s’approcha pas. Tant mieux, des vagues de colère pulsait encore en lui et il sortait les griffes de temps à autre, fermant les yeux pour ne plus entendre le sang battre à ses tempes. Le début… Depuis quand franc ? Il grogna, en contractant la mâchoire. Il n’avait fait que lui mentir… Il avait joué avec lui. Ou alors était ce lui qui s’était amusé de cette relation.
-Ce qui arrive était inévitable, Opale. Merci pour tous ses moments. Je crois qu'au fond, tu ne m'as jamais été indifférent. Je n'oublierai rien de tout ça.
Il se tourna vers l’autre en le dévisageant. Alors c’était comme ça. Il feula en détournant les yeux, regardant Les alentours pour essayer de se calmer. Inévitable… Il avait tout prévu, n’est-ce pas ? Il avait discuté avec lui en sachant que ce jour arriverait… Il avait… éprouvé des sentiments. Sa gorge sèche le brulait, ses yeux aussi. Il regardait fixement l’horizon, comme si détacher son regard allait lui faire perdre pied. C’était fini. Il l’avait lacéré de part en part, il avait certainement marqué son corps à jamais. Ses cicatrices s’ancreraient parmi tant d’autres. Combien avait-il fait souffrir comme lui ? était-ce encore une moquerie ? Il se sentait humilié, de ne pas avoir pu le tuer. Pourtant, il ne le montrerait pas.
-Si tu veux t’excuser, ce n’est pas à moi qu’il faut le faire.
Se décida-t-il à lâcher après un silence battu par les vents. Sa voix était ferme, froide, sèche. Pourtant, quelques notes s’étaient brisées. Il se tourna vivement vers l’autre, plongeant son regard dans le sien. Comme s’il essayait de le sonder. Pouvait-il voir en lui ? Il avait prétendu pouvoir le faire, mais il s’était trompé. Il n’essayerait plus de l’aider. Il l’avait perdu. S’il essayait encore de l’approcher, il ne savait pas s’il aurait la force de faire quoique ce soit, mais il était persuadé d’une chose : rien ne serait jamais comme avant. Il avait payé pour son crime, et s’il tenait réellement à lui, il en était le prix. Il se redressa, s’approcha de Foudre, son visage ne se tenant à moins d’une longueur de queue de l’autre.
-Mon nom est Cœur d’Opale, et ne t’approche. Plus. Jamais. Du clan de la rivière.
Grogna-t-il, articulant chaque mot, le pesant et le mesurant avec acidité. Son regard brillait toujours de cet éclat froid et haché qu’il n’avait pas perdu. Si l’autre avait pu lire en lui, il aurait vu la tourmente qui le possédait. Il ne savait toujours pas quoi faire. Il était totalement perdu. Le monde, ce nouveau monde qu’il s’était construit avait été détruit par quelques mots. Il se consola en se disant qu’il ne le verrait plus jamais. Sa vision se fermerait à lui et même s’il le voulait, il ne pourrait pas. Ils n’avaient jamais rien fait, à son plus grand bonheur, la souillure aurait été trop forte pour qu’il continue à vivre. Il se détourna de l’autre, faisant quelques pas, pensant doucement à Cœur de Jais, qu’il retrouverait. Ils allaient se reconstruire.
Foudre ne bougeait pas. Comme si rien ne l'atteignait. Ah. Il en avait vu des vertes et des pas mûr! Mais celle-là faisait particulièrement mal. Il devrait s'y faire. Continuer comme avant. Il était Foudre. Le solitaire impitoyable et démoniaque, qui venait de détruire la vie de deux chats. En effet, dans sa vie, il n'avait jamais eu la place d'avoir une famille, de rire et de jouer avec des amis. Il était seul. La sincérité des autres, n'étaient qu'une façade et tôt ou tard tout le monde payait le prix de faire confiance.
Il entendait l'autre feuler, bouger, se détourner, comme s'il ignorait que faire. Foudre comprenait sa haine. Il s'était fait berné jusqu'au bout, en soi, avait accordé son… amitié.. ? Il avait cru en lui, tout ça pour se briser ensuite très lentement. De la plus cruelle des manières alors qu'au fond, c'était la personne qu'il aurait voulu le moins blessé. Si Coeur de Jais avait été dans un autre clan, Opale n'aurait jamais réagi ainsi. C'était de la malchance et puis voilà.
-Si tu veux t’excuser, ce n’est pas à moi qu’il faut le faire.
Foudre l'observa, effaré et esquissa un sourire dédaigneux. Coeur de Jais n'était qu'une vulgaire victime, il n'irait jamais s'excuser juste pour faire plaisir à Opale. Ce dernier le savait bien, surement, il s'était tourné vers lui et le toisa froidement. Il ne regrettait pas ses actions, il regrettait simplement d'avoir perdu Opale à cause de ses actions, s'excuser ne servait à rien et Coeur de Jais en garderait des séquelles toutes sa vie. A quoi bon débarquer " Coucou Coeur de Jais, au fait, désoléééé pour la dernière fois, tu m'as trop saoulé, tu avais qu'à me donner des infos aussi.. mais bon, sans rancune haha ?"
-Mon nom est Cœur d’Opale, et ne t’approche. Plus. Jamais. Du clan de la rivière.
Opale semblait toujours perdu, son regard semblait bien plus éperdu que ses mots qui se voulaient venimeux. Il avait fini par se détourner. Il n'avait plus rien à se dire de toute façon… Non.. ? Il souffla doucement. Encore surpris de s'en être sorti à si bon compte.
- Et qui va m'en empêcher ? Toi ? Un guerrier à moitié aveugle qui fut incapable de me tuer alors que j'étais à ta merci.. ?
Il ferma les yeux. La froideur d'Opale lui était insupportable et il n'osait lui dire car tout était mérité. Opale toujours détourné, comme s'il hésitait à partir en courant, Foudre marcha dans sa direction, claudiquant presque dû à l'ouverture à son épaule. Restant cependant à distance. Il aurait pu partir, c'est ce qu'il aurait dû faire mais… le fait qu'Opale pense il s'était juste servi de lui sans jamais n'avoir rien éprouvé… lui était difficile.
- Je n'ai d'excuse à donner à personne...Mais maintenant, tu sais tout et c'est très bien. Tu as été une lueur dans ma vie. Je ne veux oublier cela. Tu m'as tenu hors de l'eau mais ce n'était qu'un secours temporaire mais même si je le savais, j'ai quand même voulu profiter... il se tourna et marmonna de manière plus glaciale, comme s'il ne supportait pas qu'on puisse autant vénérer et aimer un clan. Son ton passant à la fois à quelque chose de doux, puis cinglant, comme si le Mal en lui voulait aussi s'exprimer et le Bien en lui, plus timide voulat au moins s'expliquer et remercier, et ne t'inquiète pas pour ton clan, il a été sauvé par quelqu'un d'autre que TOI.
La plaine, si blanche, si pure, balayée par les vents, ne lui faisait plus rien. Il gardait obstinément son regard dardé sur l’horizon, sur les forêts de pins, sur le lac qui s’étendait non loin. Foudre ricanait dans son dos. Bien sur qu’il ne s’excuserait pas. Il avait fait cela en parfaite conscience, il n’y avait pas d’erreur à réparer… Pour lui, elle n’en était pas une. Mais le non-respect que vouait foudre à Cœur de Jais le dégoutait profondément. Ils n’étaient pas si différents. Ils avaient grandi ensembles, dans le clan de la rivière, de la pouponnière à l’apprentissage. Il avait toujours admiré son ami. Il était un félin, comme lui, il n’y avait pas à chercher plus loin.
Alors de quel droit… ? La révolte qu’il ressentait lui donna un haut le cœur. Il aurait dû être la victime. Il espérait sincèrement que Foudre approuverait, le voir serait trop douloureux. Il ne l’a pas tué aujourd’hui, il n’en a pas été capable. Mais un autre jour, qui sait ? Ce qu’il avait fait ne s’effacerait pas et en le sachant impunie, la haine grandirait. Un poison qu’il connait si bien, ce même poison qu’il éprouve chaque jour un peu plus envers son paternel et qui le pousse à réfléchir comment… Comment s’en débarrasser ?
- Et qui va m'en empêcher ? Toi ? Un guerrier à moitié aveugle qui fut incapable de me tuer alors que j'étais à ta merci… ?
Il resta immobile, les yeux clos, la mâchoire contractée. A quoi bon réagir ? Il l’avait déjà fait payer de son sang. Par pitié, dégage. Et ne revient jamais. C’est qu’il se répétait inlassablement, la gorge trop nouée pour le dire à voix haute. L’autre n’en avait-il pas marre de blesser tout le monde ? Pourquoi ne pas cesser ? S’il voulait tant mourir, c’est que sa vie devait être bien misérable. Hati, Satan, et toute la compagnie, il pouvait s’en détacher, il savait qu’il en avait la force… Enfin c’était ce qu’il pensait avant. Un gout d’amertume profonde, de rancune et de culpabilité subsistait. Il avait cru en lui, et c’était peut-être ce qui le blessait le plus.
- Je n'ai d'excuse à donner à personne...Mais maintenant, tu sais tout et c'est très bien. Tu as été une lueur dans ma vie. Je ne veux oublier cela. Tu m'as tenu hors de l'eau mais ce n'était qu'un secours temporaire mais même si je le savais, j'ai quand même voulu profiter...
Une lueur… Si seulement l’autre savait. Il ne se l’avouerait plus maintenant, mais c’était pareil pour lui. Lorsqu’il l’avait rencontré, il pensait à partir, il pensait à la haine, la mort, l’infidélité. En rencontrant Foudre, il s’était donné un objectif. Il voulait l’aider, le sauver, ou plutôt, se sauver. Il avait, quelque part, donné un sens. Il aimait son clan. Il aimait ses amis. Mais ça ne lui suffisait pas, le vide qu’il ressentait, il voulait le combler par quelque chose d’autre. Et il pensait avoir trouvé ce quelque chose. Il s’était durement heurté à la réalité et venait de se prendre un sacré coup.
-Et ne t'inquiète pas pour ton clan, il a été sauvé par quelqu'un d'autre que TOI.
Il ne le regardait toujours pas. L’autre se sentait-il obligé d’agir comme ça ? Et puis quoi encore ? Un coup il semblait essayé de le conforter, un autre il lui lançait de violentes piques. Ha oui, il savait là ou ça faisait mal. Il baissa la tête, comme s’il avait reçu un coup. Oui. Cœur de Jais était son sauveur. Et il ne lui revaudrait jamais assez. L’autre pouvait bien se moquer, mais il avait défendu son camp. Lui, n’avait rien fait. Il ne méritait même pas de remettre les pattes dans le clan de la rivière. Un petit rire froid traversa sa gorge, alors qu’il gardait le dos tourné à l’autre. Il l’avait senti s’approcher, et malgré ses paroles il ne ressentait aucune animosité.
-Tu as raison. Dans quelques temps, je ne pourrais même plus te regarder. Il marqua une pause, dans sa voix ressortait l’amertume. Tu sais le plus drôle, Foudre ? J’étais si bête que j’étais prêt à quitter le clan de la rivière. J’étais prêt à devenir solitaire.
Pour toi. Se manqua-t-il d’ajouter. Rajouter du dramatisme à la scène serait inutile. Il se tourna vers l’autre, il n’était pas loin de lui. Dans ce si piteux état. Ils étaient misérables. Que faire maintenant ? Devait-il partir sans rien dire ? Il l’avait amoché, mais il n’avait même su lui cracher toute la haine qu’il avait au visage. Foudre semblait s’en moquer, ou alors était- ce le contraire ? Le froid commençait durement à lui lécher les os, il tremblait encore.
-J’espère vraiment que cette discussion était la dernière. Tu pourrais vivre pour te faire pardonner, et pas de moi, mais tu es trop borné pour ça, n’est-ce pas ? Tu penses que tu n’as rien à te reprocher. Tant mieux pour ta petite vie, puisque détruire celle des autres semble t’amuser. Satan ou Hati n’ont rien à voir là-dedans, tu es ton propre démon, Foudre. Sa voix était glaciale, quelque part il savait que l’autre s’en moquerait éperdument, il lui disait ce qu’il savait déjà.Je ne peux pas te tuer. Mais par pitié, ne t’approche plus de nous.
Ne t’approche plus de moi. Sa voix s’était brisée, il croisa son regard, plongeant le sien dans ses yeux mordorés.
Foudre se sentait obligé de cracher sa haine, le sang qui lui ruisselait contre sa fourrure noir comme la nuit. Mais il ne sentait plus rien. Excepté cette pression sur le cœur. Il détestait ces maudits clans... il détestait Coeur de Jais qui n'était qu'une sale balance et il détestait Opale. Il se détestait aussi de s'être attaché à cet idiot. Le dégoût. C'est ce qu'il ressentait à ce moment là. Pourquoi tout s'était passé ainsi ? Il aurait pu stopper ses gestes contre Cœur de Jais, il aurait pu mais n'avait eu la force d’arrêter, de montrer sa faiblesse à Hati... Il avait dit à Opale, il n'avait pas la force.
Puis, Foudre ne supportait pas sa relation avec Coeur de Jais. Il y en avait que pour lui, à cette sale victime. A un moment donné, il fallait relativiser et arrêter de devenir des petites natures. Il avait vécu bien pire qu'une minuscule relation pas entièrement consenti mais bon... il l'avait laissé en vie. Il lui avait fait cette faveur et ne l'avait que peu torturé par rapport à d'autre.. à quoi bon s'exciter pour la vie de ce seul chat bon qu'à le servir ? Coeur de Jais n'avait été qu'un petit esclave. Ma foi, dans la vie, il y avait des êtres supérieurs... les premiers à le penser était bien les chats de clan..
-Tu as raison. Dans quelques temps, je ne pourrais même plus te regarder. Tu sais le plus drôle, Foudre ? J’étais si bête que j’étais prêt à quitter le clan de la rivière. J’étais prêt à devenir solitaire.
Foudre l'observa curieusement. Quitter.. son clan..? Mais pourquoi... il serra les crocs. Le vent balaya à nouveau ses poils, les flocons, plus gros et glacés qu'avant, dansaient autour d'eux comme un ballet dans le ciel grisâtre. Solitaire... mais pourquoi... il n'y avait pas pire vie.. sûrement pour un chat de clan qui avait l'habitude du soutien des autres... l’histoire lui rappelait un peu son aventure avec Joyce, incapable finalement, de se débrouiller seul malgré toute la bonne volonté du monde... on ne changeait pas son mode de vie si facilement. Pourquoi ne lui en avait-pas parlé... quel cervelle d'abeille... et s'il avait voulu faire ça par... admiration pour Foudre..?
-J’espère vraiment que cette discussion était la dernière. Tu pourrais vivre pour te faire pardonner, et pas de moi, mais tu es trop borné pour ça, n’est-ce pas ? Tu penses que tu n’as rien à te reprocher. Tant mieux pour ta petite vie, puisque détruire celle des autres semble t’amuser. Satan ou Hati n’ont rien à voir là-dedans, tu es ton propre démon, Foudre .Je ne peux pas te tuer. Mais par pitié, ne t’approche plus de nous.
Une voix glaciale, tranchante, une cassure. Il planta son regard dans le sien. Ils se blessaient tout deux ouvertement, Foudre en enfonçant la griffe sur le fait qu'Opale n'avait rien fait pour aider son ami et son clan, Opale sur l’égoïsme, la cruauté de ses actes qui ne méritaient probablement aucun pardon,achevant cela par une supplication. Celle de ne plus jamais le voir. Et pas que lui. Le « nous » reprenait sa famille, ses amis, son clan, tout ce dont il n'avait jamais fait parti. La colère de Foudre grandissait à mesure qu'ils continuaient tout deux à vomir leur haine l'un sur l'autre. Ce ton mélodramatique lui donnait la nausée, c'était quoi au juste, cette mauvaise romance écoeurante ? Il avait honte de lui même d'avoir éprouver le moindre sentiment à l'égard d'un guerrier aussi simple...
Il gronda, les yeux plissés, ses yeux réduits à deux fentes. Depuis tout ce temps qu'ils avaient passé ensemble et pourtant... ils n'avait jamais été rien l'un pour l'autre. Il avait parlé à Opale car il faisait une Trèves avec son clan, Opale lui répondait car il avait un peu besoin d’échapper à son clan. Mais son cœur était là-bas et à aucun moment il ne lui avait été ouvert. Ils avaient été des substituts pour combler à leur manière une certaine solitude mais parce que Foudre avait à pêne toucher à son pote, tout se fracasse ?
- espèce de... tu ne sais rien de moi. Ne parle pas en mon nom, ça me dégoûte. Tu n'es qu'un sale chat de clan gâté qui pense que tout vous est dû mais dès que ça sort de votre petit confort vous vous mettez des œillères ? Ça me donne la gerbe.
Il montra les crocs, le regard brûlant, la colère mais aussi la tristesse devant tant d'injustice. Son monde s'était qui, au juste ? Ce pathétique Cœur de Jais ? Il ne fera pas une seconde dehors dans la forêt, seul, ce n'était qu'une victime qui profitait de son clan pour faire son malin. Il ne méritait même pas de vivre, d’être respecté et Opale ne valait pas mieux. En rage, Foudre bondit, déchirant le ciel de la tempête pour percuter Opale et le plaquer à son tour à terre. Mais contrairement à lui, il ne le griffa pas, ne le mordit pas, il voulait juste le secouer, se faire entendre. Il chercha son regard, son épaule le brûlait horriblement et le sang coulait le long de sa patte. Quelque goutte s'écrasère sur la belle fourrure tacheté du guerrier.
- tu me sors de beau discours, tu me prends de haut en voulant protéger ton TRÈS CHARMANT AMI mais ce qu'il a vécu c'est que dalle! Quand j'ai vu Kiara se vider de son sang après des blessures par vos pitoyables guerriers pour défendre une parcelle ridicule de territoire, qui est venu m'aider, HEIN ? Et qui a sauvé celle qui m'a élever ?? Personne et encore moins vous puisque vous êtes à l'origine du malheur de tous ceux qui ne sont pas comme VOUS! Oh j'ai aucune morale, vraiment ?? Venant d'un guerrier qui ne pense qu'à son ami qui n'est qu'un gros assisté incapable de vivre alors que tu ignores ce qu'ils se passent dehors et aussi par VOTRE faute, ça me fais DOUCEMENT RIRE!! Ah et pour ta gouverne, j'ai vécu la même chose que ta « «victime » »d'ami, en pire d'ailleurs mais qui est ce que ça intéresse, DIS LE MOI ? Personne et sûrement pas vous! Tu es pour l'égalité de tous ? Et bien demande donc à tes amis chats de clan comment ils traitent les étrangers sans même les connaître!
Il tremblait de tout ses membres, le souffle lui manquait, il n'avait jamais à ce point perdu le contrôle de sa personne. Il était fou de rage, blessé, outré. Il passait pour le plus grand des méchants mais les clans qui prônait l’égalité et la fraternité n'était qu'une sale bande d’hypocrite.. il restera sa prie, vacilla légèrement dû à la mauvaise mobilité de son épaule, se pencha. Il ne pouvait pas être ami, trop de différence, une m’entalité divergeante... à bout de souffla, il murmura avec peine:
- il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir Opale et dans ton cas, ce n'est pas la vue qu'il te manque...
Il deserra enfin sa prise, lasse. Frustré. Indigné. Cette bande de chat oisif osait venir réclamer justice après le moindre petit bobo....qu’elle ironie.
La haine. La haine qui circulait entre eux était telle qu’elle étouffait l’air, les emprisonnait dans une bulle de dégout. Un dégout qu’ils éprouvaient tout deux, l’un pour l’autre. Il ne le détestait pas. Il savait que c’était un sentiment différent qu’il avait éprouvé auparavant. Il était seulement blessé. Blessé par tant d’incompréhension. Comment l’autre pouvait-il considérer une vie comme sienne ? Comment osait-il croire que les autres pouvaient lui appartenir parce qu’il l’avait décidé ?
Qu’il soit solitaire, ou chat de clan, ça ne changeait rien à ses actes et sa cruauté. Il se tourna vers l’autre, il pouvait lire le profond dégout qu’il éprouvait. Cela le figea quelque peu, voir un tel éclat se briser, comme s’il avait été trahi. Mais à quoi s’était-il attendu ? Qu’opale ne lui en veuille pas ? Qu’il ne se passe rien ? Que tout rentre dans l’ordre ? Le viol était une abomination. Toucher l’intimité d’un autre sans son accord était cruel. Plus cruel que la mort. C’était s’emparer d’un corps, s’emparer d’un esprit, le contrôler. Il le dévisagea.
L’autre le fixait en hérissant sa fourrure. Il semblait réellement blessé, plutôt en colère. Contre qui ? Opale ou lui-même ? Ce qu’il lui avait dit était cruel. Mais la froideur qu’il éprouvait n’était qu’une façade, son chao intérieur n’avait jamais été si violent. Scindé en deux par deux êtres qui n’avaient normalement rien à voir. Plus les secondes passaient, plus Foudre semblait sur le point d’exploser. Ils se tournaient autour comme deux vautours, et dans les yeux d’Opale se lisait toujours cette profonde incompréhension. Il voulait… Il voulait le comprendre.
- espèce de... tu ne sais rien de moi. Ne parle pas en mon nom, ça me dégoûte. Tu n'es qu'un sale chat de clan gâté qui pense que tout vous est dû mais dès que ça sort de votre petit confort vous vous mettez des œillères ? Ça me donne la gerbe.
Opale se mit à gronder, ses prunelles se réduisaient à mesure que l’autre semblait perdre le contrôle. Gâté ? Confort ? Gerbe ? De quelle merde parlait-il ? Il recula, feulant, alors qu’il montrait les crocs. Opale commençait à comprendre.
L’autre souffrait. Il souffrait d’être seul. Il détestait les clans, mais en même temps il en était jaloux. Il voulu parler mais une ombre fendit l’air, il ne la vit pas mais le choc de son corps plaqué au sol lui coupa le souffle. Il inspira avec difficulté, voyant des étoiles. L’autre le secouait, mais ne le blessa pas. Il ne voyait plus rien, paniqué. Lorsque sa vision réapparut il vit le visage du solitaire penché sur lui, les crocs dévoilés. La rage qu’il pouvait lire dans son regard, une telle haine, envers le monde entier. L’odeur du sang dont il avait tant voulu s’éloigner lui titilla les sens. Il gronda sourdement, s’apprêtant à le repousser. L’autre, dans sa rage, avait de multiples ouvertures, sans compter sa blessure. Mais il parla.
- tu me sors de beau discours, tu me prends de haut en voulant protéger ton TRÈS CHARMANT AMI mais ce qu'il a vécu c'est que dalle ! Quand j'ai vu Kiara se vider de son sang après des blessures par vos pitoyables guerriers pour défendre une parcelle ridicule de territoire, qui est venu m'aider, HEIN ? Et qui a sauvé celle qui m'a élevé ?? Personne et encore moins vous puisque vous êtes à l'origine du malheur de tous ceux qui ne sont pas comme VOUS ! Oh j'ai aucune morale, vraiment ?? Venant d'un guerrier qui ne pense qu'à son ami qui n'est qu'un gros assisté incapable de vivre alors que tu ignores ce qu'il se passe dehors et aussi par VOTRE faute, ça me fait DOUCEMENT RIRE !! Ah et pour ta gouverne, j'ai vécu la même chose que ta « « victime » » d’ami, en pire d'ailleurs mais qui est ce que ça intéresse, DIS-LE-MOI ? Personne et sûrement pas vous ! Tu es pour l'égalité de tous ? Et bien demande donc à tes amis chats de clan comment ils traitent les étrangers sans même les connaître ! Il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir Opale et dans ton cas, ce n'est pas la vue qu'il te manque...
Le flot de haine que déversa Foudre laissa Opale pantelant, qui le dévisageait avec des yeux ronds comme deux pleines lunes. Il ne l’avait pas interrompu, et l’autre ne s’arrêta que pour respirer. Dans la première partie il gigotait encore, essayant de se dégager de l’emprise de l’autre, n’écoutant que de moitié. Il ne lui avait jamais parlé de tout ça. Et manifestement, il n’avait jamais eu l’intention de le faire, il avait juste craqué. Tout ce qu’il lui crachait à la gueule semblait venir du plus profond de son âme et ce n’était pas sur lui qu’il criait, c’était sur le monde entier. Il agissait comme une bête blessée, un pariât, un rejeté.
Ses pensées… Elle lui rappelait le dégout qu’il avait ressenti le jour où…Ce dégout envers la vie elle-même. Et il avait raison. Les chats de clans refusaient les autres, ils tuaient parfois sans comprendre, ils n’avaient qu’une lubie : plaire aux clans des étoiles. Ce stupide clan. Ils n’étaient parfois pas différents de Foudre qui tuait à la gloire de Satan. Cœur d’Opale s’était toujours senti hors de ce système, c’était peut-être pour ça qu’il avait plu à Foudre. Car il ne le rejetait pas au nom de n’importe quelle religion. Parce qu’il ne cherchait pas à défendre son camp. Parce qu’il était différent.
L’autre se redressa en lui jetant un regard cynique et désabusé. Il ne bougea pas, allongé dans la neige, le froid lui lancinait le dos. Il cracha, se tournant vers l’autre. Il ne savait pas quoi ressentir. Sa colère avait été soufflée, comme si la haine de l’autre avait rendu le reste inutile. Il le dévisageait juste, de son regard si calme. Il pouvait le prendre pour un idiot, il s’en fichait, ça n’avait aucune importance. Il n’était pas frustré par l’image que l’autre avait de lui, il avait l’impression que plus rien ne comptait.
-Je ne suis pas un chat de clan. Je suis un étranger.
Il ne disait pas ça pour se faire valoir. Il en avait marre de déblatérer des phrases dégoulinantes de dramatisme, alors il allait s’exprimer simplement. Comme il s’en était douté, le solitaire n’était pas un fou. Il était un félin, marqué par la vie, par la malchance de son être. D’autres avaient eu plus de chances, comme la plupart des chats de clan. Tout était question d’éducation. Le fait est qu’opale n’avait pas été éduqué. Il avait compris très jeune, qu’il n’avait sa place nulle part. Son origine n’avait une responsabilité que partielle dans son hors système.
Il partait souvent, ne faisait confiance à personne, même pas à ses meneurs. Il n’était pas plus loin d’être un solitaire, il n’avait jamais été réellement apprécié. Le fait est qu’il s’était senti beaucoup plus proche de Foudre que n’importe qui d’autre. Il ne s’était pas réellement trompé, finalement. L’autre avait bien plus vécu que lui malgré son plus jeune âge. Mais il avait été conformisé. Il était forcé. Et lui-même se persuadait qu’il ne pouvait pas le combattre. Alors comment l’aider ? ça ne lui avait jamais paru aussi frappant.
-ça m’intéresse, Foudre, mais tu ne comptais pas me le dire tout ça. Si Jais ne m’en avait pas parlé je n’aurais pas su non plus. Les clans ne sont pas pires que toi dans leurs actions, je sais de quoi je parle.
Dans sa voix pointait de l’amertume, mais rien à voir avec la violence des propos précédents. Un rictus déforma son minois, alors qu’il restait étalé, le vent glacial tournoyait toujours avec autant de violence. Il avait vu, la cruauté des adultes, la cruauté de ses semblables. Il avait vécu avec. Mais la haine était partout, dans chaque cœur, chaque félin. Les clans s’entretuaient sans cesse et au fond, tout le monde vivait dans la peur d’une nouvelle guerre, d’une nouvelle mort. Le but des clans étaient d’être soudés, mais souvent ce n’était pas le cas.
Ils s’étaient rapprochés par leur croyance du clan des étoiles mais souvent, tous les séparaient. Opale n’y croyait pas. Il se redressa avec lenteur, ne lâchant pas l’autre des yeux. Au fond, il aurait peut-être aimé se rapprocher de Foudre, mais la haine qu’ils s’étaient mis à éprouver pour l’un l’autre, jamais elle ne s’effacerait, il en était certain. Alors, essoufflé, trempé de neige et de sang, il se releva. Au moins tu as arrêté de te cacher derrière ta façade, tu montres ton vrai toi, aurait-il aimé lui dire…
-Tu vas continuer à vivre, n’est-ce pas ? Vivre pour te venger ?
Foudre ne pouvait plus rien dire, il était épuisé, il avait honte d'avoir tout balancé ce qu'il avait sur le cœur. Ce n'était jamais arrivé et il avait vraiment l'impression de jouer les victimes.. mais il avait eu envie de briser cette injustice. De crier, de fulminer sa haine envers tout le monde. Jusqu'à présent si cacher au plus profond de lui pour devenir l'idole de nombreux solitaire et finir en divinité. Mais au fond, il se sentait anéanti et les sacrifices bien trop important. Il détestait ses parents qui aurait pu faire de lui un sim’le Chat des plus banal, au lieu de quoi, il était devenu le successeur du plus redouté démon de leur religion.
L'autre le fixait, comme si la colère du solitaire avait fini par lui faire comprendre certaine chose, dont Foudre qui n'était sûrement pour lui, qu'un mystère vivant. Il détestait Opale qui le mettait dans tout ses états.. tout le mettait en rage. Il n'osait même plus croisé le regard du guerrier, de toute façon il avait été lobotomisé et ecervellé par Son clan... son maudit clan de...
-Je ne suis pas un chat de clan. Je suis un étranger.
Il cligna les yeux, dubitatif. Que c’était facile, de dire ça pour l'apaiser.. il avait pourtant bien vu, la fois où ils s'étaient rencontré sur les terres du clan de la rivière, Opale avait semblé angoissé. Et ce jour-là aussi, le solitaire s'était senti écarté de toute sa vie. Étranger... tu parles.. c’était un guerrier du clan de la rivière qui avait honte d'avoir pour connaissance, un SIMPLE solitaire. Il se sentait dégouté, il ne savait quoi penser. L'attitude d'Opale qui avait changé, le rendait perplexe, comme si, Coeur de Jais n'était plus qu'un prétexte pour se balancer leur quatre vérité.
Foudre avait accepté dans un premier temps, le rôle du grand méchant, mais à mesure, voir Opale chercher de le blesser par tous les moyens l'avait mis hors de lui. S'il s'était agi d'un autre chat de clan, Opale se serait un peu énervé. Si ça avait été un solitaire auquel Foudre s'en aurait pris, il était prêt à parié qu'Opale lui aurait fait à peine un léger sermon. Le monde était si injuste et cruel qu'il ne voyait pas l’intérêt de jouer les gentils. « Ce monde est pourri jusqu'à la moelle, Foudre, les bipèdes ont eux aussi tenté de rendre justice... mais la justice n'est pas juste et il y a toujours des failles. Cette terre ne fait que te préparer à l'Enfer et qui dirigera l'Enfer ? Toi, bien sûr, alors bon jeu et amuse toi bien dans ton royaume, votre majesté » avait ronronné un jour, Inferno.
-ça m’intéresse, Foudre, mais tu ne comptais pas me le dire tout ça. Si Jais ne m’en avait pas parlé je n’aurais pas su non plus. Les clans ne sont pas pires que toi dans leurs actions, je sais de quoi je parle.
« Jais »... rien qu'entendre son nom lui donnait des envies de meurtres. Il grogna avec mépris, surtout pour tenter de retrouver son calme. Foudre ne le retint pas quand son rival se releva, il était toujours furieux. Opale lui sortait de belles paroles mais au fond, il ne se souciera que de ses bonnes connaissances. A quoi bon s’inquiéter d'un solitaire ? Personne n'était jamais vu l'aider et son soutien n'avait été que les démons qu'il devait satisfaire... ou Zara, une amie d'enfance, tué sur ordre d’Inferno. Oui. Il avait tué son soutien sans hésité sous la demande de son maître. Et à ce moment là, personne n'était venu lui dire à quel point s'était Mal.
-Tu vas continuer à vivre, n’est-ce pas ? Vivre pour te venger ?
Foudre planta son regard dans celui du guerrier. Ne sachant que répondre. Pourtant, il était résigné. Alors certes, pour certain, rendre justice soi-même était impensable, mais comme ce monde collectionnait les erreurs, à quoi bon se plier à cette regle ? Il l’observa un bon moment. Non, sa vengeance n’était pas que purement égoïste.
- oui. Je compte me venger mais aussi venger les solitaires qui n'ont pas la.force de se faire entendre.
Il se détourna avec amertume. Il était horriblement jaloux de n’être pas simplement né dans un clan, d'avoir pu être simplement l'ami d'Opale et pas de cette relation sans avenir qui ne pouvait que se terminer tôt ou tard. C'est peut être aussi pour ça qu'il haïssait tant Coeur de Jais. Un matou aussi insignifiant et pleurnichard, capable de mettre à ce point Opale en colère pour lui. Cette affection, ce partage, ces connaissances l'un de l'autre oui, il jalousait tout ça car il n'aurait jamais rien. Tant d’inquiétude pour avoir coucher avec un solitaire de manière un peu violente, ça ne méritait pas tant de raffut.. incapable de résister plus longtemps, il cracha:
- je vais te laisser retrouver ton ami Jais et ses deux insignifiants petits bobos à moins qu'un brochet ait eu raison de son cas, ça ferait un problème en moins! Pff, j'vous jure..
Le prénom de son ami semblait suffire à plonger l’autre dans une rage profonde. Cœur d’Opale s’était relevé, un peu vacillant, secouant la tête pour éclaircir sa vision. L’autre haïssait Cœur de Jais si fort… Et lui avec. Sa jalousie n’avait d’égale que sa souffrance. Bien sur que le monde était pourri. Bien sur qu’il y avait des injustices partout. Mais était-ce une raison pour faire subir aux autres ce qu’on l’a nous-même subi ? Opale ne jouait pas les gentils.
Les pensées mauvaises ou haineuses assaillent chaque être, c’était le courroux d’être en vie. Il avait choisi de fermer les yeux sur les choses horribles et dégoutantes, sur des actions que personne ne voulait entendre ou vivre. Tout cela avait fini par le rattraper après tout. Il pouvait agir de manière un peu naïve, mais il ne l’était pas. Rêver était le seul moyen de s’en sortir dans un monde couvert d’injustice, il n’y avait pas à le prohiber. Alors il s’était peut-être voilé la face, mais il n’avait pas laissé sa haine le guider.
Il avait réussi à blesser Foudre, mais il n’en tirait aucune satisfaction. N’était-il pas venu pour ça ? Voilà à quoi servait la colère, la haine engendre la haine, et il n’y avait rien de plus. Il ne pourrait pas le pardonner, et pas seulement parce que Cœur de Jais était son ami. Essayer de contrôler chaque être par ses points faibles revenait à dire « Je suis ton dieu. ». Alors que chaque vie était précieuse.
Opale pendant un temps, avait pensé lui aussi à exiler son père, à prendre le contrôle sur sa vie, à trouver des moyens de lui faire du chantage. A vouloir le tuer, le faire payer. Mais il serait devenu comme lui. Et maintenant, même après ça, même après avoir appris que le solitaire se laissait aller à des pulsions cruelles, il voulait quand même… L’aider. L’autre l’observait de ses yeux dorés, ils se jaugeaient, l’un l’autre. Il n’y avait plus aucun mépris dans le regard d’Opale. Seulement une infinie tristesse. L’être de Foudre ne lui appartenait pas. Il appartenait à celui qui l’avait élevé, à ses croyances, à ses démons, mais pas à lui.
-Oui. Je compte me venger mais aussi venger les solitaires qui n'ont pas la force de se faire entendre.
Le tyran est dans la démesure, il se laisse guider par ses plus profonds désirs, il n’a aucune limite. Parce que personne ne lui apprend. Parce que lui-même ne veut pas les apprendre. Opale secoua la tête, qu’il était bête… L’autre le prenait pour un égoïste chat de clan, qui ne pensait qu’à lui et à son entourage. Pourtant, ce jour-là, même s’il ne l’avouera pas à Foudre, ce n’était pas de honte qu’il voulait faire partir Foudre…
Pas parce qu’il ne voulait pas que les autres découvre son lien avec un solitaire… Mais parce qu’il avait peur pour lui. Bien sur qu’il savait comme les clans traitaient les étrangers, il ne voulait pas qu’il se fasse chasser et ne veuille jamais revenir. Et lui qui voulait se venger des chats de clans. Quelle tragédie. Même si Opale avait voulu tout lâcher pour partir, partir loin, il été resté au clan de la rivière. L’autre s’était détourné, toujours bouillonnant de colère. Il s’en voulait, de ne pas avoir cherché à mieux comprendre l’autre. D’avoir bondi sur l’occasion pour déverser sa rage. Il fit quelques pas en direction de Foudre mais se stoppa, hésitant. Non, c’était fini, l’autre le détestait, lui-même ne savait pas ce qui était bon ou mauvais dans cette histoire.
- je vais te laisser retrouver ton ami Jais et ses deux insignifiants petits bobos à moins qu'un brochet ait eu raison de son cas, ça ferait un problème en moins ! Pff, j'vous jure...
La lassitude qu’il ressenti à ce moment là ne fut jamais aussi grande. Il s’assit dans la neige, tremblant, de froid cette fois. L’autre cherchait encore à le provoquer, à lui faire prendre conscience de l’insignifiance de la blessure de cœur de Jais. Mais… Pour lui ce n’était rien, qu’une violence de plus, pour Jais c’était un drame qui allait le changer. Foudre devait le savoir mieux que qui que ce soit, à quel point un acte pouvait changer une vie. Mais maintenant c’était l’histoire de Cœur de Jais, plus la sienne. Il se réparerait. Il passerait à autre chose. Il ne recroiserait peut-être plus jamais le chemin de ce solitaire. Du moins il l’espérait pour lui. Mais Foudre ? Opale se sentait déchiré entre de multiples sentiments. Au final il était venu pour Jais, il avait fait ce qu’il avait à faire et il allait repartir. Mais au fond, n’était-ce pas pour lui-même qu’il était venu ? tout cela… n’avait plus d’importance.
-Je ne… me suis jamais senti à ma place. Je me disais que la mort, ou la vengeance étaient des bonnes solutions mais j’ai décidé d’apprécier la vie pour ce qu’elle est réellement. D'apprécier les autres. C’est mon choix. Qu’on me prenne pour un idéaliste ou un idiot, je m’en fiche… Mais cela n’empêche pas que tu as raison, sur toute la ligne.
Il soupira, la gorge nouée, faisant un léger signe de tête. Ça lui faisait mal, mais l’autre en avait surement marre. Malgré la froideur qu’il essayait de manifester, il fallait être aveugle pour ne pas voir combien cela lui coûtait et le troublait. Alors il ajouta d’une petite voix
-Aurevoir Foudre. Désolé de ne pas avoir pu t’aider.
Il se détourna à son tour, les yeux clos. Désolé de ne pas arriver à te pardonner... Ha, quels idiots. Des discussions, un amour naissant, des illusions ou des moments précieux...
La colère d'Opale avait presque disparu, devant procuré, comme s'il n'osait pas admettre que Foudre aussi avait raison. Mais alors quoi ? Le problème ? Un clan stupide avec des amis faibles et insignifiants. Dans la vie, il ne fallait faire confiance qu'à soi-même. Il avait fait l'erreur de s'attacher à ce… chat qui n'était qu'un simple félin de clan stupide et pathétique et...et.. il ne trouvait plus ses mots, son cœur s'étouffait, la haine le consumait. Tout ça… pour quoi ? Pour Coeur de Jais ? Ou alors n'était-ce devenu qu'une excuse ? Une excuse pour mettre un terme à cette mascarade. Il devait reprendre sa vie d'avant. Être lui-même… il ne pouvait pas ce le permettre, il devait être celui qu'on a toujours craint et respecté.
Apparemment Opale ne voyait pas ça comme "simple petit bobo". Et cela ne mis en rogne. Il se mis même à détester plus Coeur de Jais que n'importe qui d'autre. S'il le revoit… si jamais il retombait sur lui… Il gronda mais ne dit rien. De toute façon, ni lui, ni le guerrier ne reviendrait sur leur position. Il n'avait plus rien à se dire, la conversation se terminait. La dernière probablement. Ca avait été de beaux moments, inoubliables surement, mais maintenant, son cœur devrait se refermer et continuer à agir selon la volonté de Hati.
-Je ne… me suis jamais senti à ma place. Je me disais que la mort, ou la vengeance étaient des bonnes solutions mais j’ai décidé d’apprécier la vie pour ce qu’elle est réellement. D'apprécier les autres. C’est mon choix. Qu’on me prenne pour un idéaliste ou un idiot, je m’en fiche… Mais cela n’empêche pas que tu as raison, sur toute la ligne.
"Oui Opale… tu es un idiot…" Songea t-il tristement. Et si ce plaisir idéaliste lui plaisait tant, que venait-il faire ici, à se jeter sur lui et lui taillader l'épaule ? Cette blessure cicatriserait bien, il en avait vu d'autre mais elle resterait à jamais ancré dans sa mémoire. Ca ne partirait jamais, toute cette violence et cette haine entre eux. Il devait partir où il exploserait à nouveau… Le regard d'Opale semblait si souffrant… mais il ne pouvait le réconforter car il était la cause de son malheur.
-Aurevoir Foudre. Désolé de ne pas avoir pu t’aider.
Foudre hocha la tête et minauda un :
- Adieu Opale je crois que j'ai éprouvé de bien drôle de sentiment à ton égard son ton était si bah qu'il aurait été bien difficile pour l'autre de l'entendre.
Puis il s'ébroua, son regard doré, résigné. "Non, Opale, à partir de maintenant, tu n'es plus rien pour moi." Il sentait la sinistre présence de Hati à ses côtés qui riait de la situation. Maintenant, clan de la rivière ou non, la trêve était levée. Evitant les terres, d'abord après son marché avec Coeur de Jais puis ensuite pour son lien étrange avec Opale. Maintenant plus rien ne le retenait et le massacre pouvait continuer. Il se détourna et lâcha froidement:
- Si je te revois… toi mais surtout ton pathétique ami Coeur de Jais je vous tuerai, en commençant par lui. Je le laisserai se vider de son sang après lui avoir crever les yeux et ouvert le ventre. Ce sera une offrande pour Hati, j'ai déjà hâte.
Il ricana en s'éloignant, chassant ses derniers états d'âmes mais au fond, son cœur se brisait et le Foudre qu'Opale connaissait bien et qui se refermait à l'intérieur de lui se mettait à pleurer. Alors que son image extérieure n'était que le démon qu'il aurait dû toujours être et qui n'avait jamais eu pitié de quelqu'un d'autre.
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Sujet: Déchirure PV Opale 
